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L'Edito
Juillet - Aout - Septembre 2003
D'autres photos de votre serviteur
Les anciens éditos pour les nostalgiques...
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Bonjour à tous !
Voici
l'été, le terrible été qui voit se substituer
les plages aux pages en terme de fréquentation ! snif, je me sens bien
seul devant mon ordi... :..o( eh oui, où êtes-vous chers surfeurs
infatigables, tendres étudiants aux exposés urgents, habiles
professeurs à l'oeil rigoureux ? Bon ben puisque c'est comme ça,
je vais faire très court comme édito pour une fois, surtout
que je suis un peu pris par le temps....
Je me suis d'ailleurs plusieurs fois demandé si un édito avait
lieu d'être en plein été, tout ça pour deux trois
personnes courageuses qui le liront... Et puis, si, après tout, ça
vous prouve au moins que le site cache toujours un webmaster bien vivant !
Pourtant, il s'en est passé des choses cet été... Evidemment,
pour ceux qui ne connaîtraient pas encore L'événement Pi du trimestre, je ne peux pas ne pas revenir sur la saga Simon Plouffe,
qui a quelque peu défrayé la chronique des forums le mois dernier.
Un petit rappel des faits pour situer le contexte. Ce cher Simon est un chercheur
reconnu, dont la passion du nombre Pi l'a habité depuis sa plus tendre
enfance - il a détenu le record de mémorisation des décimales
avec 4096 en 1975 - et qui a vu l'aboutissement de ses idées originales
en ce 19 septembre 1995 où - selon la légende établie
- il a trouvé avec Peter Borwein et David Bailey la célèbre
formule BBP qui a fait le tour du monde. Je vous invite bien entendu à aller consulter la page de ce mathématicien sur le site pour en apprendre un peu plus. Cette
formule eut un retentissement considérable dans la communauté
mathématique internationale toute entière.
Aux mathématiciens, elle a montré une formule très simple,
qui aurait pu être découverte par Euler, mais dont les propriétés
algorithmiques permettaient tout à coup de classer Pi parmi les constantes
dont on pouvait atteindre le n-ième digit sans connaître les
précédents, en base 2^n, ceci avec peu de mémoire. Ils
se sont d'ailleurs rapidement engouffrés dans la brèche et les
avancées les plus récentes ont permis de faire le lien entre
ce type de représentations et la normalité éventuelle de Pi dans ces bases. Une propriété statistique
pour les décimales de Pi, voilà qui semblait encore une belle
utopie il y a simplement quelques années !
Aux amateurs toujours intéressés par les formules autour des
constantes, comme moi mais aussi des millions d'autres, cette formule magique
a redonné espoir. L'espoir que tout n'est pas inaccessible dans les
recherches d'aujourd'hui, qu'avec de l'ingéniosité, et un peu
de talent, on peut faire émerger de jolies propriétés,
dans des domaines un peu délaissés. Car Plouffe ne donne pas
cette image - souvent stéréotypée d'ailleurs - de chercheur
bloqué sur ses feuilles pendant des années, à débiter
des propriétés que lui seul peut comprendre, et qui s'amuse
entre autres à compter ses points de petite hauteur sur des variétés
semi-Abéliennes pour en faire de beaux fibrés vectoriels qui
illuminent leur structure en treillis dans un grand élan comohologique
! Si si, tous ces mots existent je vous assure... seul leur enchaînement
est laissé à la fantaisie de votre serviteur :o)
Bien sûr, je suis méchant, j'ai une admiration sans bornes pour
ces acrobates de la géométrie algébrique, mais à
tort ou à raison, et indépendamment de leur volonté parfois,
l'image qu'ils renvoient est figée et angoissante.
Chez Plouffe rien de tout ça, je ne le connais pas très bien
évidemment, mais mes quelques échanges avec lui et des amis
du web m'ont convaincu de son accessibilité et de sa générosité.
Comme sa formule était très simple, elle a en outre connu une
belle carrière médiatique, un peu à l'instar du théorème
de Fermat dont l'énoncé est compréhensible par n'importe
quel bachelier. La plupart des gens savent qu'il a maintenant été
démontré mais finalement une très petite minorité
est au courant que c'est une conséquence d'une partie démontrée
d'une conjecture beaucoup plus profonde et importante, celle de Shimura-Taniyama-Weil....
(faut dire, retenir des noms pareils...). Eh oui, que voulez-vous, les mathématiques
si puissantes mais lointaines sont parfois illuminées par quelques
étoiles filantes.
Quoiqu'il en soit, il fait interview sur interview dans la fin des années
90 !
Au milieu de ce tableau en apparence idyllique, quelques zones d'ombre apparaissent.
Au cours des quelques mails échangés avec ce très sympathique
et disponible personnage, je n'ai jamais vraiment décelé d'attitude
de chercheur habituel et serein, en un mot établi. Sa page personnelle
a toujours été un fourre-tout foisonnant dont les amateurs comme
moi sont friands !
Plouffe a eu longtemps sa page
personnelle au CECM (Center for Experimental and
Constructive Mathematics), à l'université Simon Fraser de Vancouver
(Canada). Il y a aussi ouvert son inverseur de Plouffe, une base de données
des premières décimales de plusieurs dizaines de millions de
constantes et leurs combinaisons simples. Encore une très bonne idée,
populaire et utile à tous, à l'instar de l'encyclopédie
des suites
entières dirigée par le tout aussi
sympathique et disponible Neil Sloane. Puis sa page a bougé au LACIM
pour revenir enfin au CECM selon mes souvenirs. Dans sa dernière correspondance
avec moi, il y a deux ans je crois, il me faisait part de sa lassitude devant
les circuits établis et pesants de la recherche. Obligation d'un poste
officiel, lenteur et caractère quasi-obligatoire des publications,
pressions constantes etc... Depuis environ deux ans, on n'avait plus trop
de nouvelles de Simon Plouffe sur le web ou ailleurs (enfin à ma connaissance).
Et alors, et alors ???
Et alors en ce 23 juin, une mini-bombe s'abat sur le forum mathématique
américain sci.maths, relayée quelques minutes plus tard sur
le forum français fr.sci.maths, et dont vous pouvez trouver la traduction
à ce lien : http://groups.google.fr/groups?hl=fr&lr=&ie=UTF-8&selm=dacae0fb.0306241830.4a1b02ce%40posting.google.com
En gros, pour ceux qui n'auraient pas le courage de lire ce morceau, (pourtant
vous devriez !) Plouffe y explique son amertume quant au comportement de ses
collègues Peter Borwein et surtout David Bailey. Ce dernier n'a en
fait jamais participé à la découverte de la formule BBP,
et Plouffe ne s'est d'ailleurs quasi jamais servi du fameux algorithme PSLQ
de Bailey de recherche expérimentale de relations linéaires
entre réels. Tous ont plus été intéressés
par leurs petits intérêts personnels, et on ne lui a jamais offert
de poste au CECM. Peter Borwein aurait même cherché à
publier tout seul sur son inverseur, d'après ses dires. Tout en maintenant
un certain voile pudique sur sa situation actuelle, on sent bien que Simon
Plouffe est un peu au bout du rouleau.
Alors bien sûr, certains pourront dire que ce n'est qu'une formule,
que la célébrité et la reconnaissance sont des choses
bien illusoires et temporaires, mais je peux vous dire que lorsqu'on a le
bonheur de mettre le doigt sur quelque chose de nouveau en mathématique,
ou simplement une idée intéressante, eh bien ce doit être
un sentiment exceptionnel car déjà, moi, lorsque je voyais apparaître
de simples relations de type BBP sur Pi ou Zêta sur mon ordinateur il
y a quelques mois, j'en bondissais à me cogner au plafond ! Alors pour
lui la première fois, cela a dû être très excitant
! En fait, il n'est même pas vraiment question de cela, il est simplement
ici question d'une certaine forme d'honnêteté intellectuelle.
Et puis à l'heure où les budgets se serrent dans la recherche,
je peux vous dire que c'est un gâchis incroyable de ne pas offrir de
poste à des personnes de ce talent. Un vrai gâchis... Ce n'est
probablement pas le plus grand théoricien du monde, mais c'est un farfouilleur
infatigable, toujours à l'affut d'une idée astucieuse et étonnante.
La situation française n'est pas si différente. Le chemin de
la vie de chercheur public est étroit et il y a peu de souplesse, il
passe par de fortes doses d'enseignements obligatoires, des gros dossiers
de qualifications très structurés et formatés pour des
profils bien particuliers, des carrières à paliers toutes tracées.
Les électrons libres ou les profils originaux, qui apportent des compétences
complémentaires à une équipe de recherche sans vraiment
provenir de la même formation, n'ont pas la carrière facile.
Le manque d'autonomie financière des grands organismes publics de recherche
ou des laboratoires et la politique interne ne facilitent pas toujours la
souplesse et l'intégration de ces profils... Mais ceci est un autre
débat.
Pour l'instant, le plus important est de trouver une place à un des
symboles de la communauté des amoureux de Pi. Malgré le faible
retour sur les forums à son message, j'espère sincèrement
que sa prochaine intervention concernera la découverte d'une formule
révolutionnaire reliant Zêta(3) et Pi, et dont on déduira
la transcendance de tous les Zêta(2n+1) !! :o) Allez, on peut rêver
!
Vive Simon Plouffe ! Et à travers lui, vive Pi bien entendu... :o)
Boris
A bientôt pour de prochaines
aventures au pays de Pi le merveilleux (environ tous les trois mois).
Salut !
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