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L'Edito
Octobre - Novembre - Décembre 2002
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Les anciens éditos pour les nostalgiques...
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Bonjour à tous !
Ahhh, l'automne, les longs mois
d'hiver... voici une période bien propice... pour faire avancer le
site ! Ben oui, lorsque je regarde rétrospectivement mon activité
de ces dernières années concernant "l'Univers de Pi",
force est de constater une nette baisse de forme durant la chaleur estivale.
Ce ne sont pas tant les projets qui manquent que la volonté et le temps
de les concrétiser. Pour les quelques fidèles lecteurs de cet
édito, cela paraitra être un refrain courant, mais il est pourtant
vrai. Mon véritable projet, celui que je chéris au plus profond
de mon coeur, mais qui est aussi un des plus irréalisables en l'état
actuel des choses, c'est la traduction du site en anglais. Allez, vous l'aurez
compris depuis le temps, ce projet s'inscrit dans la vocation de ces pages,
qui était bien entendu de devenir une référence sur le
web ! Un habile moyen en outre de faire croire à certains que je suis
mathématicien :-)
En réalité, je ne suis qu'un pauvre amateur surnageant, comme
plusieurs centaines de milliers de gens à travers le monde, qui s'émerveillent
devant les prodiges de leurs idoles favorites - Erdös, Wiles, Chudnovsky,
Plouffe, etc... - quelques noms qui ressortent parfois dans une petite fenêtre
médiatique à la faveur d'une temporaire prise de conscience
de l'opinion publique qu'il existe certaines personnes qui sont à la
pointe d'une des directions de la connaissance humaine, même si cela
fait longtemps qu'elle ne sait même plus expliquer ce qu'ils font. C'est
donc une sorte de "déculpabilisation" périodique si
l'on peut dire. Je revois encore l'embarras des journaux télévisés
pour annoncer que notre brillant Laurent Lafforgue avait obtenu la médaille
Fields pour ses travaux intitulés "Chtoucas de Drinfeld et correspondance
de Langlands", et dont le résumé précise tout à fait sérieusement
qu'elle "démontre la correspondance de Langlands pour GLr sur les corps de
fonctions" ! Comme l'indique un article du Monde, "A lui seul, ce libellé
reflète bien le caractère hermétique des travaux de pointe en mathématiques.". Cela dit, cet
article du Monde, que je vous invite à aller consulter,
est un rare modèle de pédagogie, il ose franchir le pas et arrive
presque à nous faire toucher du doigt les travaux de Lafforgue. Ce
n'est cependant qu'une douce illusion... :-)
Mais pour le commun des mortels, ces matheux du quotidien, dont la passion
est assez forte pour s'affranchir de l'incompréhension qui règne
souvent autour d'eux, point d'espoir de percer, point de discussions possibles
sur le dernier théorème en cours au milieu du repas, juste le
plaisir de la fascination mathématique. Un plaisir souvent personnel
par obligation, et qui par là même pousse beaucoup de gens à
échanger leurs idées sur le web.
Alors donc, je
voudrais vous parler un petit peu de cette communauté de l'ombre, qui
fait aussi vivre les mathématiques au quotidien, et à laquelle
on ne rend que très rarement des hommages. Je ne sais pas s'il existe
une discipline scientifique qui connaisse d'ailleurs un tel phénomène
!
Bon, bien entendu, moi je suis un petit nouveau, ce que je vais dire n'a aucune
valeur de référence ni même d'exhaustivité, ce
sont juste des impressions recueillies depuis trois ans, depuis que j'épuise
les processeurs de mes machines en d'interminables calculs, depuis que les
correspondances affluent, pleines d'un enthousiasme parfois naïf mais
toujours sincère, pleines d'un émerveillement qui fait plaisir
à voir ! Les personnes dont je vais parler se reconnaitront probablement
en partie si elles lisent cet édito, quoique tout ceci soit fait de
bon nombre de cas, mais ce n'est point pour les mettre dans l'embarras que
j'écris cela, j'espère plutôt leur rendre un vibrant hommage
car je les apprécie énormément ! Ce sont elles qui me
"bottent le cul" tout au long de l'année lorsque le blues
m'envahit quelque peu, lorsque les choses m'échappent de plus en plus.
Et réciproquement...
Ils sont ainsi certains des professeurs de mathématiques, assez brillants
pour faire de la recherche en mathématiques si leur parcours n'était
pas passé par tant d'enseignement, ou que les rouages du systèmes
éducatifs supérieur leur avaient donnés de meilleures
chances de réaliser des thèses et des collaborations au moment
de leurs plus brillantes inspirations. Ce sont des gens qui me semblent à l'aise dans beaucoup de domaines, des gens vers qui l'on se retourne souvent lorsqu'une
démonstration semble compliquée, lorsque les idées ou
la technique manquent. Des gens qui ne sont peut-être pas passés
loin de quelque chose de formidable, mais en avaient-ils seulement véritablement
envie ? Ne préfèrent-ils finalement pas cultiver leur curiosité
parallèlement à leur enseignement ?
Et puis il y a vraiment ceux qui s'ennuient, terrés dans leur collège,
souvent sur-compétents pour leur charge, mais que le système
de l'agrégation ou le parcours personnel ont éloigné
des lumières de la rampe. Alors la quarantaine passée, revenus
de beaucoup de choses, ils s'échappent dès qu'ils ont un moment
de leur frustration pour parcourir le web à la recherche d'une idée,
ils envoient leurs propres remarques à quelques grands noms en espérant
une petite miette d'attention ou même une réponse excitante...
J'en connais plusieurs, dont un très gentil en Espagne.
Il y a aussi les étudiants comme moi, qui ne peuvent oublier ce qu'ils
ont vécu en prépa ! N'ayant pas réussi ou pu accrocher
le parcours professionnel de leur rêve, ou alors s'en défiant
par peur d'une lassitude inexorable, ils travaillent dans une branche intéressante
qu'ils n'auraient jamais imaginé encore deux ans auparavant, mais qu'importe
finalement. A l'heure où certains préfèrent croquer la
vie à pleine dents, ils en profitent eux pour élargir leur horizon
tant que c'est encore possible, avec la pensée un peu nostalgique qu'ils
auront à peu près tout oublié dans une dizaine d'année.
Et tapis dans l'ombre, ils mènent une existence parallèle, quasi
invisible pour leurs amis, qui ne comprennent d'ailleurs pas bien ce qu'ils
peuvent faire de leurs soirées :-)
Il y a aussi les ingénieurs fous, qui ont réussi il y a une
quinzaine d'année de brillantes études dans une Grande Ecole,
et qui n'ont jamais vraiment décroché ! Toujours
au courant des choses dans leur domaine de prédilection, ils hantent
les forums de maths où la moindre question un tant soi peu intéressante
déclenche chez eux une avalanche d'idées originales de démonstrations,
tant leur maitrise technique s'est affinée au cours des années.
Si vous entrez en correspondance avec eux à la faveur d'une petite
curiosité lancée imprudemment sur un forum, c'est parti pour
une dizaine de mails dans la soirée, avec dans chacun d'eux une nouvelle
réflexion corrigeant le mail précédent, et une référence
sur le problème en question. Bien sûr, vous imaginez tout sur
leur compte, mais vous ne savez jamais vraiment ce qu'ils font dans leur vie,
ce sont quelques gourous comme cela, dont le carnet d'adresses est aussi long
qu'une démonstration d'Andrew Wiles !
Il en est aussi quelques uns qui n'y croyaient plus vraiment.... Ils étaient
passé en prépa sans vraiment adhérer à l'esprit,
étaient partis au fin fond d'une Ecole puis avaient d'une certaine
manière un peu rangé au placard leur formation théorique
initiale. Tranquillement installés et surfant un peu au hasard, c'est
un jour au détour d'un site, d'une petite formule, d'une curiosité
intrigante, que la petite flamme s'est rallumée. D'abord faible, doublée
de quelques idées vagues tournant en rond dans leur esprit et essayant
de faire émerger tant bien que mal le petit tas de neurones où
étaient rangées dans un coin de poussiéreuses mathématiques.
Au bout de quelques mois, et si ils ont trouvé un correspondant enthousiaste,
c'est l'explosion ! Délaissant tout à coup le film familial
du dimanche soir au risque de l'incompréhension familiale, ("bon,
chéri, t'arrête avec ton ordi, là ?") ils se réfugient
dans les bouquins qu'ils dévorent de nouveau en quelques jours, remplissant
de formules et d'idées des dizaines de brouillons et testant inlassablement
leurs plus extravagantes intuitions sur la moindre calculette qui traine !
Ah, quel plaisir, mais en même temps aussi la certitude qu'ils ne pourront
jamais revenir dans le circuit de la recherche, et que seule leur passion,
leur fascination des maths et quelques correspondants tout aussi fous les
maintiennent en hyper-activité !
Enfin il y a le collégien ou le lycéen, voire parfois l'élève
de prépa, en pleine découverte des maths et de cette fabuleuse
construction qui se replace un peu plus chaque jour dans leur esprit. Un univers
de formules qu'ils ne comprennent pas encore vraiment, mais dont leur curiosité
sait déjà discerner la forme, et dont les questions sont souvent
étonnantes d'intuition. Un bel enthousiasme, souvent très changeant.
Le jour d'après, les voici repartis vers de nouvaux étonnements
au fil d'un bouquin ou d'un site web. On les reverra peut-être dans
quelques années !
Oh, j'en oublie certainement beaucoup, ce sont toutes des caricatures probablement
un peu faciles, mais peut-être pas si éloignées de la
vérité finalement :-)
Pour tous ces gens là, pas de revue vraiment spécialisée,
pas de support officiel pour leur folie, juste un formidable réseau,
l'internet et quelques sites web et thèmes fédérateurs,
comme le nombre Pi. Les mails affluent tout au long de l'année, les
idées s'échangent, les humeurs varient, et au cours du temps,
les liens s'approfondissent. On parle avec eux de choses différentes
d'avec les proches, comme si le simple fait de ne jamais les avoir rencontrés
en chair et en os parfois permettait finalement d'oser plus facilement, d'échanger
son état d'esprit de la seconde ou de la période, sans rendre
de compte.
Il est alors temps de replacer les premières phrases de cet édito
dans leur contexte. Ce que j'ai toujours voulu pour mon site ? Une référence,
oui, certainement, un rêve associé, probablement, quelques encouragements
de mathématiciens, sûrement. Mais avant tout un lieu pas forcément
promis à ceux que l'on croit, pas nécessairement cantonné
à ceux dont le savoir ou les capacités reconstruisent déjà
tout cet univers presque trop vite. Surtout un lieu pour faire le lien entre
tous les passionnés, ce plus grand dénominateur commun, et un
objectif : que les visiteurs d'aujourd'hui soient un peu les contributeurs
de demain. Pour que la cause de Pi ne dépende pas uniquement des publications
d'"Experimental mathematics" ou "American Mathematical Monthly".
Oui, je sais, j'arrête là l'envolée lyrique, mais avouez
que tout ce petit monde le mérite, non ?
Boris
A bientôt pour de prochaines
aventures au pays de Pi le merveilleux (environ tous les trois mois).
Salut !
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