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Boris Gourévitch
L'univers de Pi - V2.57
modif. 13/04/2013

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L'Edito
Juillet-Aout-Septembre 2002

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Les anciens éditos pour les nostalgiques...
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Bonjour à tous !

Autant vous le dire tout de suite, mon site n'aime pas l'été.... non seulement parce que les internautes le désertent au profit d'insipides plages fussent-elles méditerranéennes mais en plus parce que son auteur le néglige bien souvent pour d'autres joies saisonnières... Que voulez-vous, les motivations revêtent bien souvent un caractère cyclique, lorsque ce n'est pas carrément décroissant. J'ai pour ma part la chance que ma passion pour Pi ne m'ait jamais quittée (et heureusement pas avant que tout soit mis en ligne !), mais mon pauvre site, qui comme chacun mériterait une attention de tous les instants, ne l'entend pas vraiment de cette oreille. Alors envoyez-lui le bonjour lorsque vous passerez dans le coin !
En outre, malgré son dévouement de tous les instants, il ne sait pas bien comment manoeuvrer pour dévoiler tous ses atours à l'attention du visiteur amateur de mathématiques ludiques, connaisseur de deux ou trois anecdotes, qui les recherche désespérément dans tous les coins et recoins de ces pages, et finit par m'envoyer un mail du style : "ah, au fait tu savais que la proba que deux entiers soient premiers entre eux, c'est Pi^2/6 ? Que quand on lance des aiguilles sur un parquet, on tombe sur Pi ? Que exp(Pi*1631/2) est presque un entier ??"...
Euh, ben, en fait, oui oui, c'est même sur le site mais d'accord, là, comme cela, c'est difficile à trouver ! :-) Comment voulez-vous indexer des propriétés mathématiques avec des thèmes aussi disparates ? Pas encore trouvé de solution, il faudra continuer à vous perdre dans les méandres de cet univers... et encore, du peu que j'en retranscris... Donc c'est ici l'occasion d'un mea culpa fataliste, oui ce site sera toujours un sacré fouillis ! Car comme Pi apparait là où on l'attend le moins, bien entendu cela ne facilite pas les raccords :-)
Bon, deux trois mots léger pour cet édito, ça ne fait pas de mal.
Mais si je peux me permettre - et d'ailleurs je vais me permettre - autant rebondir sur l'actualité mathématique de ce trimestre. La communauté mathématique internationale a appris ces dernières semaines le décès de Laurent Schwartz. Peut-être que certains d'entre-vous ne connaissent pas ce fameux mathématicien Français né en 1915, mais sachez qu'il a remporté la médaille Fields au congrès international de mathématiques de 1950, ce qui est un peu l'équivalent d'un prix nobel de maths qui, rappelons-le, n'existe pas. Il fut entre autres l'inventeur (disons l'unificateur incontesté) de la théorie des distributions, un pédagogue remarquable d'après ses étudiants, et un militant de gauche (un temps trotskiste) devant l'éternel. Le réduire à ce genre de choses n'a bien sûr que peu de sens, mais que voulez-vous, comme une de ses rares erreurs scientifiques fut de ne pas laisser d'oeuvre brillante sur le nombre Pi, il n'aura que la faveur de cet édito ! :-)
C'est souvent lors de ces "occasions" que l'on peut traditionnellement se rendre compte de l'impact d'un homme de science, ou d'art sur son domaine, voire son siècle. Bien que la France puisse se targuer de nombre de mathématiciens contemporains brillants, elle n'a que six médaillés Fields dans ce siècle (et c'est déjà un très joli nombre pour un pays !) dont l'histoire gardera donc plus facilement le nom, avec justice ou non peut-être si l'on pense à quelques oubliés de la cause bourbakistes entre autres. Mais revenons à l'ami Laurent. Au-delà de ses conceptions politiques facilement louables mais très stéréotypées dans le petit monde des mathématiciens, son oeuvre scientifique ne souffre pas de discussion. Et pourtant, une rapide recherche sur google vous fera tomber plus aisément sur les communiqués de la CFDT et sur la "morale du savant" que sur un véritable hommage à l'oeuvre de l'homme. Le communiqué de l'AFP date même de 5 jours après son décès, alors que le forum fr.sci.maths, tout de même célèbre, grouillait déjà d'hommages le surlendemain.... Et c'est bien sûr le soir même du communiqué que les chaines de télé se sont enfin intéressées à cette triste nouvelle. Vous avez dit désaffection ?? Au sens propre comme au sens figuré je le crains... Il faut dire que les mathématiques souffrent de beaucoup de choses dans ce siècle qui les a pourtant vu avancer de la plus belle des manière sur nombre de sujets.
Tout d'abord, c'est peut-être idiot, mais la carrière d'un mathématicien n'est pas si longue, et comme le dit Dieudonné (le savant bien sûr, pas l'autre comique) on connait peu de grands théorèmes démontrés par des sexagénaires ou plus âgés. Ceci repousse souvent le décès du mathématicien à plusieurs dizaines d'années après ses quelques heures de gloire, comme pour Schwartz d'ailleurs, largement le temps de se faire un peu oublier. Ce n'est pas comme un chanteur, on ne danse pas 50 ans après sur la théorie des distributions avec la même excitation ! :-)
Ensuite, cela fait probablement près d'un siècle que les sciences ont tant progressé que l'on ne trouve plus d'homme capable de découvertes majeures dans la totalité des domaines de sciences "dures", comme ont pu le faire Gauss, Euler, Newton ou Archimède à leur époque, écrasant la concurrence de leur génie insolent au point de laisser leur nom même si le public moyen était déjà bien incapable de saisir leurs théories en profondeur pour les trois premiers. Des savants comme Descartes ou Pascal excellaient dans tous les grands domaines d'alors, pourtant déjà quasiment distincts, comme la philosophie, la théologie, la physique ou les mathématiques.
Parfois, il suffit d'une révolution pour atteindre la consécration, un doigt de personnalité et de contexte historique aidant, comme Einstein. Dites "relativité" au gens, il vous citeront forcément le célèbre savant à la langue bien pendue ! Ce qu'une science comme la physique, qui tente d'échaffauder chaque jour de nouvelles théories pour "coller" aux observations, expériences ou intuitions même de plus en plus compliquées, semble pouvoir faire quelque fois par siècle, les mathématiques en sont déjà presque interdites. Par leur nature déductive tel un arbre dont tout le monde voit le tronc mais peu atteignent les branches ramifiées, elles se sont coupées progressivement de l'attrait du grand public et des révolutions médiatisées par l'histoire, car la vulgarisation tentée par certains ne peut de toutes les manières que se contenter des mêmes recettes, les plus simples ou les plus distrayantes, et qui au bout d'un moment sentent nettement le pâté moisi. Vous ne trouverez également pas de phénomène à la Feynman en maths, capable par sa pédagogie de réconcilier à peu près tous les niveaux de connaissances de la science physique et de créer nombre de vocations même chez les plus réfractaires des étudiants ! En outre, par rapport à d'autres sciences, il y a mécaniquement peu de choses apparaissant comme illogiques ou surnaturelles aux yeux du grand public en mathématiques, et qui font le piquant et l'intérêt du palais de la découverte par exemple.
Le malentendu va même plus loin quand on pense à la large médiatisation de la résolution du grand théorème de Fermat, dont l'énoncé est explicable à un lycéen, mais dont l'extrême profondeur de la démonstration le relègue à un détail d'une théorie, détail qui n'a plus qu'une importante toute relative aux yeux de la communauté mathématique tournée depuis longtemps vers le paradis de la théorie, la conjecture de Shimura-Taniyama-Weil. Tout le monde s'est enthousiasmé, mais alors vraiment pas pour les mêmes raisons ! Et merci à la légende qui entoure ce théorème, car il faut savoir que la médaille Fields n'étant remise par tradition qu'à un mathématicien de moins de quarante ans, le génial mais trop vieux Andrew Wiles (41 ans à l'époque !) aurait pu finir aux oubliettes de l'Histoire...
Bien sûr, je caricature un brin, rentrer dans le détail demanderait bien plus que cet édito déjà traditionnellement long, mais l'idée me semble assez importante.
La médaille Fields reste alors un symbole faussement aisé pour le monde non-mathématique, qui voit là une manière apparemment simple de déceler les plus grands noms et les graver dans l'histoire, et encore... Je me rappelle ainsi du bouquin de biographies de mathématicien (si génial soit-il) cité dans ma page biblio, qui préfère et affirme explicitement se reporter à cette liste de nominés pour échaffauder ses choix d'après-guerre, même lorsque ceci réduit parfois ses auteurs à n'écrire que deux lignes au-dessous d'un nom vraiment inconnu pour la cible potentielle de ce livre et même les amateurs de maths. Mais je ne jetterai pas la pierre, j'aurais probablement fait pareil...

Bref, un hommage s'imposait pour un des plus brillants esprits de ce siècle, et cela nous rappelle aussi la chance pour les mathématiques d'avoir Pi dans ses bagages ! C'est bien un des rares sujets à mettre tout le monde d'accord sur son intérêt. A commencer par vous et moi, j'en suis sûr....


Boris


A bientôt pour de prochaines aventures au pays de Pi le merveilleux (environ tous les trois mois).
Salut !

 

 

 

 


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