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L'Edito
Juillet-Aout-Septembre 2002
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Les anciens éditos
pour les nostalgiques...
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avril/mai/juin 2002
Bonjour à tous
!
Autant vous le dire tout de
suite, mon site n'aime pas l'été.... non seulement parce que les
internautes le désertent au profit d'insipides plages fussent-elles méditerranéennes
mais en plus parce que son auteur le néglige bien souvent pour d'autres
joies saisonnières... Que voulez-vous, les motivations revêtent
bien souvent un caractère cyclique, lorsque ce n'est pas carrément
décroissant. J'ai pour ma part la chance que ma passion pour Pi ne m'ait
jamais quittée (et heureusement pas avant que tout soit mis en ligne
!), mais mon pauvre site, qui comme chacun mériterait une attention de
tous les instants, ne l'entend pas vraiment de cette oreille. Alors envoyez-lui
le bonjour lorsque vous passerez dans le coin !
En outre, malgré son dévouement de tous les instants, il ne sait
pas bien comment manoeuvrer pour dévoiler tous ses atours à l'attention
du visiteur amateur de mathématiques ludiques, connaisseur de deux ou
trois anecdotes, qui les recherche désespérément dans tous
les coins et recoins de ces pages, et finit par m'envoyer un mail du style
: "ah, au fait tu savais que la proba que deux entiers soient premiers
entre eux, c'est Pi^2/6 ? Que quand on lance des aiguilles sur un parquet,
on tombe sur Pi ? Que exp(Pi*1631/2) est presque un entier ??"...
Euh, ben, en fait, oui oui, c'est même sur le site mais d'accord, là,
comme cela, c'est difficile à trouver ! :-) Comment voulez-vous indexer
des propriétés mathématiques avec des thèmes aussi disparates
? Pas encore trouvé de solution, il faudra continuer à vous perdre
dans les méandres de cet univers... et encore, du peu que j'en retranscris...
Donc c'est ici l'occasion d'un mea culpa fataliste, oui ce site sera toujours
un sacré fouillis ! Car comme Pi apparait là où on l'attend
le moins, bien entendu cela ne facilite pas les raccords :-)
Bon,
deux trois mots léger pour cet édito, ça ne fait pas de mal.
Mais si je peux me permettre - et d'ailleurs je vais me permettre - autant
rebondir sur l'actualité mathématique de ce trimestre. La communauté
mathématique internationale a appris ces dernières semaines le décès
de Laurent Schwartz. Peut-être que certains d'entre-vous ne connaissent
pas ce fameux mathématicien Français né en 1915, mais sachez
qu'il a remporté la médaille Fields au congrès international
de mathématiques de 1950, ce qui est un peu l'équivalent d'un prix
nobel de maths qui, rappelons-le, n'existe pas. Il fut entre autres l'inventeur
(disons l'unificateur incontesté) de la théorie des distributions,
un pédagogue remarquable d'après ses étudiants, et un militant
de gauche (un temps trotskiste) devant l'éternel. Le réduire à
ce genre de choses n'a bien sûr que peu de sens, mais que voulez-vous,
comme une de ses rares erreurs scientifiques fut de ne pas laisser d'oeuvre
brillante sur le nombre Pi, il n'aura que la faveur de cet édito ! :-)
C'est souvent lors
de ces "occasions" que l'on peut traditionnellement se rendre compte
de l'impact d'un homme de science, ou d'art sur son domaine, voire son siècle.
Bien que la France puisse se targuer de nombre de mathématiciens contemporains
brillants, elle n'a que six médaillés Fields dans ce siècle
(et c'est déjà un très joli nombre pour un pays !) dont l'histoire
gardera donc plus facilement le nom, avec justice ou non peut-être si
l'on pense à quelques oubliés de la cause bourbakistes entre autres.
Mais revenons à l'ami Laurent. Au-delà de ses conceptions politiques
facilement louables mais très stéréotypées dans le petit
monde des mathématiciens, son oeuvre scientifique ne souffre pas de discussion.
Et pourtant, une rapide recherche sur google vous fera tomber plus aisément
sur les communiqués de la CFDT et sur la "morale du savant"
que sur un véritable hommage à l'oeuvre de l'homme. Le communiqué
de l'AFP date même de 5 jours après son décès, alors que
le forum fr.sci.maths, tout de même célèbre, grouillait déjà
d'hommages le surlendemain.... Et c'est bien sûr le soir même du
communiqué que les chaines de télé se sont enfin intéressées
à cette triste nouvelle. Vous avez dit désaffection ?? Au sens
propre comme au sens figuré je le crains... Il faut dire que les mathématiques
souffrent de beaucoup de choses dans ce siècle qui les a pourtant vu
avancer de la plus belle des manière sur nombre de sujets.
Tout
d'abord, c'est peut-être idiot, mais la carrière d'un mathématicien
n'est pas si longue, et comme le dit Dieudonné (le savant bien sûr,
pas l'autre comique) on connait peu de grands théorèmes démontrés
par des sexagénaires ou plus âgés. Ceci repousse souvent le
décès du mathématicien à plusieurs dizaines d'années
après ses quelques heures de gloire, comme pour Schwartz d'ailleurs,
largement le temps de se faire un peu oublier. Ce n'est pas comme un chanteur,
on ne danse pas 50 ans après sur la théorie des distributions avec
la même excitation ! :-)
Ensuite, cela fait
probablement près d'un siècle que les sciences ont tant progressé
que l'on ne trouve plus d'homme capable de découvertes majeures dans
la totalité des domaines de sciences "dures", comme ont pu
le faire Gauss, Euler, Newton ou Archimède à leur époque, écrasant
la concurrence de leur génie insolent au point de laisser leur nom même
si le public moyen était déjà bien incapable de saisir leurs
théories en profondeur pour les trois premiers. Des savants comme Descartes
ou Pascal excellaient dans tous les grands domaines d'alors, pourtant déjà
quasiment distincts, comme la philosophie, la théologie, la physique
ou les mathématiques.
Parfois, il suffit d'une révolution pour atteindre la consécration,
un doigt de personnalité et de contexte historique aidant, comme Einstein. Dites "relativité" au gens, il vous citeront forcément le célèbre
savant à la langue bien pendue ! Ce qu'une science comme la physique,
qui tente d'échaffauder chaque jour de nouvelles théories pour "coller"
aux observations, expériences ou intuitions même de plus en plus
compliquées, semble pouvoir faire quelque fois par siècle, les mathématiques
en sont déjà presque interdites. Par leur nature déductive
tel un arbre dont tout le monde voit le tronc mais peu atteignent les branches
ramifiées, elles se sont coupées progressivement de l'attrait du
grand public et des révolutions médiatisées par l'histoire,
car la vulgarisation tentée par certains ne peut de toutes les manières
que se contenter des mêmes recettes, les plus simples ou les plus distrayantes,
et qui au bout d'un moment sentent nettement le pâté moisi. Vous
ne trouverez également pas de phénomène à la Feynman
en maths, capable par sa pédagogie de réconcilier à peu près
tous les niveaux de connaissances de la science physique et de créer
nombre de vocations même chez les plus réfractaires des étudiants
! En outre, par rapport à d'autres sciences, il y a mécaniquement
peu de choses apparaissant comme illogiques ou surnaturelles aux yeux du grand
public en mathématiques, et qui font le piquant et l'intérêt
du palais de la découverte par exemple.
Le malentendu va même plus loin quand on pense à la large médiatisation
de la résolution du grand théorème de Fermat, dont l'énoncé
est explicable à un lycéen, mais dont l'extrême profondeur
de la démonstration le relègue à un détail d'une théorie, détail
qui n'a plus qu'une importante toute relative aux yeux de la communauté
mathématique tournée depuis longtemps vers le paradis de la théorie,
la conjecture de Shimura-Taniyama-Weil. Tout le monde s'est enthousiasmé,
mais alors vraiment pas pour les mêmes raisons ! Et merci à la légende
qui entoure ce théorème, car il faut savoir que la médaille
Fields n'étant remise par tradition qu'à un mathématicien de
moins de quarante ans, le génial mais trop vieux Andrew Wiles (41 ans
à l'époque !) aurait pu finir aux oubliettes de l'Histoire...
Bien sûr, je caricature un brin, rentrer dans le détail demanderait
bien plus que cet édito déjà traditionnellement long, mais
l'idée me semble assez importante.
La médaille Fields reste alors un symbole faussement aisé pour le
monde non-mathématique, qui voit là une manière apparemment
simple de déceler les plus grands noms et les graver dans l'histoire,
et encore... Je me rappelle ainsi du bouquin de biographies de mathématicien
(si génial soit-il) cité dans ma page biblio, qui préfère
et affirme explicitement se reporter à cette liste de nominés
pour échaffauder ses choix d'après-guerre, même lorsque ceci réduit parfois ses auteurs à n'écrire
que deux lignes au-dessous d'un nom vraiment inconnu pour la cible potentielle
de ce livre et même les amateurs de maths. Mais je ne jetterai pas la
pierre, j'aurais probablement fait pareil...
Bref, un hommage s'imposait pour
un des plus brillants esprits de ce siècle, et cela nous rappelle aussi la chance
pour les mathématiques d'avoir Pi dans ses bagages ! C'est bien un des rares
sujets à mettre tout le monde d'accord sur son intérêt. A commencer
par vous et moi, j'en suis sûr....
Boris
A bientôt
pour de prochaines aventures au pays de Pi le merveilleux (environ tous les trois
mois).
Salut !
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