
5 Formules BBP : La technique
En 1995, Bailey, Borwein et Plouffe découvrent la fameuse formule
 | (B.B.P.) |
qui, comme on le sait maintenant, va bien au-delà de sa forme simple en proposant une méthode pour atteindre le n-ième digit de Pi sans
connaitre les précédents. Mieux, elle révolutionne la vision de Pi en l’inscrivant parmi les constantes dont on peut générer les décimales
quasiment comme un système dynamique chaotique, ce que Bailey et Crandall ont traduit par leur célèbre conjecture de l’an 2000 [11] reliant
le concept de normalité à celui de passage d’un digit au suivant.
En plus de la fonction , assez rapidement, on se rendra compte que les formules BBP sont un cas particuliers de relations d’une classe
de fonctions que l’on appelle les polylogarithmes. Une jolie introduction à ces fonctions extraordinairement simples mais prometteuses est
l’oeuvre de Gery Huvent que j’adapte ici :
5.1 : Les polylogarithmes
5.1.1 Définition
Pour , et , on définit le polylogarithme d’ordre par
 | (32) |
Ainsi
Pour signalons que la convergence est normale sur le disque unité fermé.
On dispose de la représentation intégrale suivante
 | (35) |
qui permet de prolonger le polylogarithme, pour sur en une fonction holomorphe.
Les polylogarithmes peuvent également être définies par des intégrations successives, en effet
 | (36) |
ainsi
 | (37) |
et par exemple
 | (38) |
5.1.2 Valeurs remarquables
Les premières valeurs remarquables sont pour
où est la fonction zéta de Riemann
En particulier
 | (Euler) |
Pour
où . En particulier
Remarque 1 On connaît la valeur exacte de et de
5.1.3 Formule de duplication
On a sur , . Ce qui prouve
la formule de duplication, lorsque les trois termes ont un sens :
 | (45) |
5.1.4 Formules d’Euler et de Landen pour le dilogarithme
Formules d’Euler
Sur on a
 | (46) |
Cette égalité permet de prouver par dérivation l’identité d’Euler pour le dilogarithme
![A x (- ]0,1[, L2(x)+ L2(1 -x) = z(2)- ln (1 - x)ln (x)](../mathematiciens/huvent/hyperg211x.gif) | (47) |
En particulier avec on obtient le résultat suivant, dû à Euler
 | (Euler) |
Formules de Landen
On dispose également de la relation suivante dite identité de Landen (que l’on prouve par dérivation)
![[ ] ( )
A x (- - 1, 1 , L2 (x)+ L2-x-- = -1 ln2(1 -x)
2 x- 1 2](../mathematiciens/huvent/hyperg214x.gif) | (48) |
Cette identité se prolonge sur
Valeurs particulières
Avec où est le nombre d’or (qui vérifie ), puisque dans ce cas, on
obtient
 | (49) |
Mais la formule d’Euler fournit
 | (50) |
et le formule de duplication
 | (51) |
En combinant les trois résultats, on obtient
Valeurs complexes
L’identité de Landen se prolonge par analycité à Avec on obtient
 | (54) |
5.1.5 Formule de Landen pour le trilogarithme
 | (55) |
Cette formule se déduit des identités d’Euler et de Landen pour le dilogarithme après dérivation.
5.1.6 Valeurs particulières
On déduit de l’identité de Landen pour le trilogarithme les valeurs remarquables suivantes :
 | (56) |
 | (57) |
5.1.7 Quelques intégrales classiques
La représentation intégrale (35) donne immédiatement  | (58)
(59)
| La première intégrale est classique, la seconde l’est moins !
De même
5.2 Liens entre intégrales, formules BBP et polylogarithmes
5.2.1 Notations
Commençons par simplifier les notations ! Il serait bon en effet de pouvoir parler d’une formule BBP sans à chaque fois recopier la
formule...
Gery Huvent a ainsi proposé de noter la somme , pour
.
La formule de Plouffe s’écrit alors
Ca simplifie tout de même !
5.3 Intégrales et formules BBP
On se propose dans cette section de convenir des intégrales équivalentes aux séries BBP. Il est en effet souvent plus simple de passer par le
calcul d’une intégrale pour trouver le résultat d’une série !
5.3.1 Intégrales équivalentes aux séries BBP
Ainsi, de l’égalité , et ,
 | (62) |
on déduit que si alors
 | (63) |
De la même manière,
5.3.2 Intégrales plus générales et formules BBP
Maintenant, l’on se doute bien que ce n’est pas forcément ce type d’intégrale que l’on saura calculer, et donc dont on pourra déduire des
formules BBP, mais on aura affaire plus sûrement à une intégrale du type . Mais toute l’astuce est
là !
En effet, si divise où Ceci permet, lorsque l’on sait
calculer l’intégrale , d’en déduire une formule BBP. Le même type de remarque s’applique si divise
.
5.3.3 Calcul des intégrales
Maintenant, parlons des polylogarithmes. La remarque ci-dessus est valable dans le cas où divise pour extraire des séries
BBP. Mais pour le calcul de l’intégrale ? Eh bien on peut avoir recours à une décomposition en éléments simples de pour se ramener à
des intégrales connues. Et c’est là qu’interviennent les polylogarithmes.
On rappelle l’expression intégrale du polylogarithme d’ordre pour un complexe non nul de module inférieur à
.
 | (68) |
Ceci permet, après décomposition en éléments simples de , d’exprimer une intégrale du type comme somme de
polylogarithmes.
5.4 Fonction et polylogarithmes
En plus de la relation évidente , le paragraphe précédent met en lumière que la décomposition d’une fraction rationnelle
dans l’intégrale permet de se ramener d’une formule BBP à des polylogarithmes. Mais d’autre part,
la formule (64), dont on a vu le lien direct avec les formules BBP si l’on a un polynôme divisant , s’écrit
également
c’est-à-dire sous forme d’une combinaisons de fonctions . En fait, les formules BBP ne sont rien d’autre que des combinaisons de
fonctions où le paramètre ne bouge pas et est une puissance inverse d’un entier.
Ainsi, la formule de Plouffe s’écrit
A partir de là, et aux ordres supérieurs à 1 , nous avons tous les maillons pour faire correspondre les polylogarithmes avec les
formules BBP et maintenant les fonctions .
A ce stade, il faut remarquer que les polylogarithmes sont du style tandis que les formules BBP
utilisent plutôt des séries du type . Intuitivement, au lieu d’avoir le paramètre comme la
relation le laisse penser, les polylogarithmes vont pouvoir se ”développer” en fournissant des relations
linéaires entre fonctions où , bref des formules BBP. Dans cette présentation avec les paramètres de la fonction
, on voit bien que c’est une sorte de généralisation des arctan puisque l’on n’a plus mais plus généralement
.
5.5 Intérêt des formules BBP
Cette formulation a permis de montrer que l’on pouvait en base et calculer n’importe quel digit des constantes résultats de ce type
de séries, sans connaitre les précédents. Pourquoi ? Je vous l’expliquerai un peu plus tard sur la page consacrée à Plouffe mais de manière
intuitive, on peut remarquer que le développement en base 10 d’un nombre est avec entier entre 0 et 9. Donc
en considérant des séries du genre on n’est pas loin du développement en base 2 ! il suffit de pouvoir calculer les décimales
à un certain endroit de .
Et c’est ce qu’il s’est passé non seulement avec mais aussi plein d’autres constantes autour de , la fonction de Riemann
etc...
En outre, on pourra remarquer que ce sont des séries rationnelles et donc en tant que telles des proies idéales pour un calcul simple des
décimales de Pi. On sait de plus immédiatement grâce au terme de la série combien de décimales on peut obtenir en pratique avec n
termes de la série. En fait, avec décimales, dans ce cas on obtient décimales (et même un peu plus compte tenu des termes en
).
Alternant des phases d’intensives explorations avec des phases plus calmes, la recherche dans cette direction a été fertile ! Quelques
éléments dans les paragraphes qui suivent.
De manière synthétique, Gery Huvent a mis en avant quelques intégrales utiles à la décomposition dont le paragraphe précédent parle.
Nous les présentons ici, avec leurs applications à la recherche de formules BBP. Ce texte reprend à quelques adaptations près l’article de
Gery Huvent [12] qui est on ne peut plus fondamental !
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