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Boris Gourévitch
L'univers de Pi - V2.57
modif. 13/04/2013

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5 Formules BBP : La technique

 En 1995, Bailey, Borwein et Plouffe découvrent la fameuse formule

  oo     (                              )
 sum   -1-  --4---- --2---- --1---- --1---
k=1 16k   8k+ 1   8k+ 4   8k+ 5   8k+ 6
(B.B.P.)

qui, comme on le sait maintenant, va bien au-delà de sa forme simple en proposant une méthode pour atteindre le n-ième digit de Pi sans connaitre les précédents. Mieux, elle révolutionne la vision de Pi en l’inscrivant parmi les constantes dont on peut générer les décimales quasiment comme un système dynamique chaotique, ce que Bailey et Crandall ont traduit par leur célèbre conjecture de l’an 2000 [11] reliant le concept de normalité à celui de passage d’un digit au suivant.

En plus de la fonction Y  , assez rapidement, on se rendra compte que les formules BBP sont un cas particuliers de relations d’une classe de fonctions que l’on appelle les polylogarithmes. Une jolie introduction à ces fonctions extraordinairement simples mais prometteuses est l’oeuvre de Gery Huvent que j’adapte ici :

5.1 s = 1,  v = 0   : Les polylogarithmes

5.1.1 Définition

Pour z  (-  C  ,|z|< 1  et n  (-  N  , on définit le polylogarithme d’ordre n  par

        + sum  oo  zk
Ln (z) =   kn-
        k=1
(32)

Ainsi

pict

Pour n > 2,  signalons que la convergence est normale sur le disque unité fermé.
On dispose de la représentation intégrale suivante

 integral 
  1 lnn-(y)-        n+1
 0  y-  1z dy = (-1)  n!Ln+1(z)
(35)


qui permet de prolonger le polylogarithme, pour n > 2,  sur C\]1,+ oo [  en une fonction holomorphe.
Les polylogarithmes peuvent également être définies par des intégrations successives, en effet

dLn-(z)-  Ln-1-(z)-
  dz   =    z
(36)

ainsi

         integral 
          zLn--1(t)
Ln (z) = 0    t   dt
(37)

et par exemple

          integral               integral   integral 
           zln(1--t)      z  t1 --1--
L2(z) = - 0     t   dt = 0  0  t1- ududt
(38)

5.1.2 Valeurs remarquables

Les premières valeurs remarquables sont,  pour n > 2,

pict

z  est la fonction zéta de Riemann.
En particulier

         2               2
L2 (1) = p--et L2(- 1) = - p
        6               12
(Euler)

Pour n > 1,

pict

      +o o      k
b(n) =  sum --(-1)-n
      k=0(2k +1)  . En particulier

pict

Remarque 1 On connaît la valeur exacte de z (2n)  et de b (2n + 1).

5.1.3 Formule de duplication

On a sur C\]1,+o o [  ,  integral   n        integral   n       integral        (          )      integral       (      )           integral   n
 01ln-(y1)dy +  10 ln-(y1)dy = 01lnn (y)--11+ --11  dy =  10 lnn(y) -22y1-  dy = 221n  10 ln-(u1)du
    y- z        y+z               y- z  y+ z                y- z2    u=y      u- z2  . Ce qui prouve la formule de duplication, lorsque les trois termes ont un sens :

                   1    (  )
Ln (z)+ Ln(- z) =-n-1Ln  z2
                 2
(45)

5.1.4 Formules d’Euler et de Landen pour le dilogarithme

Formules d’Euler Sur ]- 1,1[,  on a

L'n(x) = Ln--1(x)
           x
(46)

Cette égalité permet de prouver par dérivation l’identité d’Euler pour le dilogarithme

 A x  (-  ]0,1[, L2(x)+ L2(1 -x) = z(2)- ln (1 - x)ln (x)
(47)

En particulier avec x = 1 ,
   2  on obtient le résultat suivant, dû à Euler

   (1 )   + sum  oo   1    p2   1
L2   -  =    -n-2 = ---- -ln2(2)
     2    k=12 n    12   2
(Euler)

Formules de Landen On dispose également de la relation suivante dite identité de Landen (que l’on prouve par dérivation)

    [     ]           (      )
 A x  (-  - 1, 1 , L2 (x)+ L2-x-- =  -1 ln2(1 -x)
         2              x- 1      2
(48)

Cette identité se prolonge sur       [    ]
C\RU   -1, 12

Valeurs particulières Avec     1-
x = f2     1    V~ 5-
f = 2 + 2  est le nombre d’or (qui vérifie  2
f + f = 1  ), puisque -x-
x-1 = x- 1  dans ce cas, on obtient

  ( 1 )     (  1 )    1    (1 )    1
L2  -2  + L2  ---  = -- ln2  --  = -- ln2 (f)
    f          f      2     f      2
(49)

Mais la formule d’Euler fournit

  (  1)     (1 )
L2  -2  + L2  -- = z (2) -2 ln2(f)
    f         f
(50)

et le formule de duplication

   (1 )     (  1 )   1  ( 1 )
L2  --  + L2 - -- =  -L2  -2
    f          f     2    f
(51)

En combinant les trois résultats, on obtient

pict

Valeurs complexes L’identité de Landen se prolonge par analycité à C\]1,+o o [.  Avec x = i,  on obtient

  (1 - i)   5p2   1  2    (1           )
L2  -2--  = -96 - 8 ln 2 +i 8p ln (2)- G
(54)

5.1.5 Formule de Landen pour le trilogarithme

     ]   1]
 A x  (-  -1, 2

  (  x  )                                          1                1
L3  x--1- + L3 (x) + L3(1- x) = z (3) +z (2)ln(1- x) - 2 ln(z)2ln (1 - x)+ 2 ln3(1- x)
(55)

Cette formule se déduit des identités d’Euler et de Landen pour le dilogarithme après dérivation.

5.1.6 Valeurs particulières

On déduit de l’identité de Landen pour le trilogarithme les valeurs remarquables suivantes :

   (  )           2         3
L3  1   = 7z(3)- p--ln-(2) + ln-(2)- pour x = 1
    2     8         12       6            2
(56)

  (   )            2          3
L3  1-  = 4z(3)- p--ln-(f) + 2ln-(f)  pour x =-1
    f2    5         15        3             f2
(57)

5.1.7 Quelques intégrales classiques

La représentation intégrale (35) donne immédiatement

 integral  1             integral  1              2
   ln-(u)du  =      ln-(1---t)dt = -p--
 0 1- u   u=1-t 0     t         6
     integral  12 ln(u)      p2  1  2
        1--udu = - 12- 2 ln  (2)
     0
(58)

(59)
La première intégrale est classique, la seconde l’est moins !

De même

pict

5.2 Liens entre intégrales, formules BBP et polylogarithmes

5.2.1 Notations

Commençons par simplifier les notations ! Il serait bon en effet de pouvoir parler d’une formule BBP sans à chaque fois recopier la formule...

Gery Huvent a ainsi proposé de noter BBPk  (a,b,P (y))  la somme        (              )
 sum o o  1i  sum b -2--al-k+1-
  i=0 a    l=0 (bi+l+1) , pour
                         b-2
P (y) = a0 + a1y +...+ ab-2y  .

La formule de Plouffe s’écrit alors

pict

Ca simplifie tout de même !

5.3 Intégrales et formules BBP

On se propose dans cette section de convenir des intégrales équivalentes aux séries BBP. Il est en effet souvent plus simple de passer par le calcul d’une intégrale pour trouver le résultat d’une série !

5.3.1 Intégrales équivalentes aux séries BBP

Ainsi, de l’égalité  A a  (-  Z  , a /= 1,  et a /= 0  ,  A y  (-  [0,1], A k > 1,

 integral  1ayk-1     integral  1 oo  sum  ybi+k-1     oo  sum  1---1--
 0 a -ybdy =  0      ai  dy =    aibi+ k
                i=0            i=0
(62)

on déduit que si                                      b- 2
P  (-  Qb-2 [X] , P = a0 + a1X + ...+ ab-2X  alors

  integral  1                 b-2      integral  1           sum  oo   (b sum -1         )
a   a0 +-a1y-+...+-ab-2y--dy =    aP-(y)dy = -   -1     ---ak----
  0         yb- a              0 yb- a      i=0ai  k=0bi+ k+ 1
(63)


De la même manière,

pict
pict

5.3.2 Intégrales plus générales et formules BBP

Maintenant, l’on se doute bien que ce n’est pas forcément ce type d’intégrale que l’on saura calculer, et donc dont on pourra déduire des formules BBP, mais on aura affaire plus sûrement à une intégrale du type  integral  1 k
   ln-(y)R(y)dy
 0    Q (y)  . Mais toute l’astuce est là !

En effet, si Q(y)  divise yb- a,   integral  1lnk (y) R(y)     integral  1 lnk(y)P (y)
   ----------dy =    ---b------dy
 0    Q(y)         0   y - a              (yb- a)
P (y) = R (y)------.
             Q (y)  Ceci permet, lorsque l’on sait calculer l’intégrale  integral  1 k
   ln-(y)R-(y)dy
 0    Q (y)  , d’en déduire une formule BBP. Le même type de remarque s’applique si Q (y)  divise yb + a  .

5.3.3 Calcul des intégrales

Maintenant, parlons des polylogarithmes. La remarque ci-dessus est valable dans le cas où Q (y)  divise yb -a  pour extraire des séries BBP. Mais pour le calcul de l’intégrale ? Eh bien on peut avoir recours à une décomposition en éléments simples de R-(y)
Q (y)  pour se ramener à des intégrales connues. Et c’est là qu’interviennent les polylogarithmes.

On rappelle l’expression intégrale du polylogarithme d’ordre n  pour un complexe z  non nul de module inférieur à 1  .

 integral  1 n
    ln--(y)dy = (-1)n+1n!Ln+1(z)
 0  y-  1z
(68)

Ceci permet, après décomposition en éléments simples de R(y)-
Q(y)  , d’exprimer une intégrale du type  integral    k
  1ln-(y)R-(y)dy
  0   Q (y)  comme somme de polylogarithmes.

5.4 Fonction Y  et polylogarithmes

En plus de la relation évidente Y(x,s,0) = Ls(x)  , le paragraphe précédent met en lumière que la décomposition d’une fraction rationnelle -R(y)
Q (y) dans l’intégrale  integral  1 k
   ln-(y)R-(y)dy
 0    Q (y)  permet de se ramener d’une formule BBP à des polylogarithmes. Mais d’autre part, la formule (64), dont on a vu le lien direct avec les formules BBP si l’on a un polynôme Q (y)  divisant  b
y  -a  , s’écrit également

pict

c’est-à-dire sous forme d’une combinaisons de fonctions Y  . En fait, les formules BBP ne sont rien d’autre que des combinaisons de fonctions Y  où le paramètre x  ne bouge pas et est une puissance inverse d’un entier.

Ainsi, la formule de Plouffe s’écrit

pict

A partir de là, et aux ordres supérieurs à 1 (k > 0)  , nous avons tous les maillons pour faire correspondre les polylogarithmes avec les formules BBP et maintenant les fonctions Y  .

A ce stade, il faut remarquer que les polylogarithmes sont du style Ls(x) =   oo  sum  1-i
   isx
i=0  tandis que les formules BBP utilisent plutôt des séries du type  sum  oo           (     )
   -i+1psxi = Y x,s, pq
i=0(  q) . Intuitivement, au lieu d’avoir le paramètre n = 0  comme la relation Y(x,s,0) = Ls(x)  le laisse penser, les polylogarithmes vont pouvoir se ”développer” en fournissant des relations linéaires entre fonctions Y      p
v = q  , bref des formules BBP. Dans cette présentation avec les paramètres de la fonction Y  , on voit bien que c’est une sorte de généralisation des arctan puisque l’on n’a plus v = 12  mais plus généralement v = pq  .

5.5 Intérêt des formules BBP

Cette formulation a permis de montrer que l’on pouvait en base 2k  et 3k  calculer n’importe quel digit des constantes résultats de ce type de séries, sans connaitre les précédents. Pourquoi ? Je vous l’expliquerai un peu plus tard sur la page consacrée à Plouffe mais de manière intuitive, on peut remarquer que le développement en base 10 d’un nombre a0.a1a2a3...  est  sum o o -ann
  n=010  avec an  entier entre 0 et 9. Donc en considérant des séries du genre  sum o o -1n-= ln(2)
  n=12 i  on n’est pas loin du développement en base 2 ! il suffit de pouvoir calculer les décimales à un certain endroit de 1
i  .

Et c’est ce qu’il s’est passé non seulement avec ln(2)  mais aussi plein d’autres constantes autour de p  , la fonction z  de Riemann etc...

En outre, on pourra remarquer que ce sont des séries rationnelles et donc en tant que telles des proies idéales pour un calcul simple des décimales de Pi. On sait de plus immédiatement grâce au terme -1n
j  de la série combien de décimales on peut obtenir en pratique avec n termes de la série. En fait, avec n  décimales, dans ce cas on obtient nlog(j)  décimales (et même un peu plus compte tenu des termes en --1-
an+b ).

Alternant des phases d’intensives explorations avec des phases plus calmes, la recherche dans cette direction a été fertile ! Quelques éléments dans les paragraphes qui suivent.

De manière synthétique, Gery Huvent a mis en avant quelques intégrales utiles à la décomposition dont le paragraphe précédent parle. Nous les présentons ici, avec leurs applications à la recherche de formules BBP. Ce texte reprend à quelques adaptations près l’article de Gery Huvent [12] qui est on ne peut plus fondamental !


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