Approximations et bizarreries sur Pi
Cette page est ainsi consacrée aux approximations
rationnelles et irrationnelles qui se rapprochent le plus de Pi. Et il y en a de
fameuses !
Sans oublier quelques curiosités approximatives concernant Pi.
En effet, depuis que l'on s'est rendu compte de l'existence d'une constante définissant
le rapport du périmètre d'un cercle sur son diamètre, ce qui se situe
à l'époque des Egyptiens et Babyloniens, les mathématiciens ont tenté
de donner une valeur exacte de Pi, ou ont ensuite donné des approximations simples de
Pi
après le XVIIIe siècle.
Dans l'antiquité
Bien sûr, dans l'antiquité, ces mathématiciens
ne savaient pas que Pi était irrationnel, ni même transcendant. Alors on tenait
certaines valeurs estimées de Pi pour exactes !
Tout ce cheminement dans l'antiquité est relaté sur la page de l'ère géométrique, je rappelerai seulement ici les valeurs :
Donc, les Babyloniens avaient estimé :
ce qui est assez remarquable pour l'époque.
Le scribe Ahmès chez les Egyptiens avait obtenu :
=(16/9)2=3,16...
La Bible est resté célèbre pour son estimation hasardeuse de Pi : 3 !!
On se rappelle qu'Archimède avait encadré Pi, ce qui prouve qu'il avait
conscience de ne pas être tombé sur la bonne valeur.
En Chine, Tsu Chung Chih devance les occidentaux
et propose :
355/113 = 3,14159292...
Mais revenons en Occident. Tentant toujours d'obtenir
une valeur exacte pour Pi, Nicolas
de Cues propose :
Le plus fort reste sans aucun doute Edward Johnston Goodwin (1828-1902) qui déposa,
en 1897
dans l'Indiana aux Etats-Unis, un projet de loi où diverses formules appliquées
auraient conduit à assigner pour valeur à Pi : 4, puis 3.1604, puis 3.2 et enfin 3.232 !
Bien sûr, cet auteur ingénieux avait résolu la quadrature du cercle,
la trisection de l'angle et la duplication du cube, démontrées insolubles
quelques années auparavant, et avait accepté que ses découvertes soient
utilisées gratuitement ! Même la prestigieuse revue American Mathematical
Monthly, alors jeune, avait accepté deux de ses articles !
Heureusement, ce projet, qui faillit être adopté, fut repoussé finalement
car on considérait alors que la loi ne devait pas décider de la vérité scientifique... encore heureux...
Après la renaissance
La démonstration de l'irrationnalité
en 1761
puis de la transcendance en 1882 ont tout de même, à l'exception donc de
ce farfelu de l'Indiana, miné les espoirs des amateurs et mathématiciens
de proposer une valeur exacte pour Pi. A ce moment, les amusements vont commencer puisque
l'on va rechercher des approximations rationnelles ou irrationnelles de Pi sous une forme
simple. Et l'imagination et la patience des mathématiciens est fertile
!
Jugez plutôt :
Quelques approximations :
Note : Jean-Christophe Benoist m'a fait remarquer
avec pertinence que l'on classait souvent dans les livres (Delahaye, Warufsel...)
les approximations de Pi en fonction du nombre de décimales exactes
qu'elles donnaient. Avec ce principe, 3.14151 est mieux classé que
3.1416 alors que la seconde approximation est la meilleure. En outre, on ne
peut pas départager deux approximations ayant le même nombre
de décimales exactes !
Il m'a alors proposé de considérer le score -Log10(|approximation-Pi|)
comme critère de classement, ce qui a l'avantage de prendre en compte
la réelle distance avec Pi ! J'ai donc inclus entre parenthèses
quelques valeurs de ce score pour les plus petites approximations.
Formules |
Valeur approchée |
Décimales de Pi exactes |
|
|
|
|
3,1409 |
2 (3.21) |
|
|
|
Approximation de Kochansky |
|
|
|
3,141533 |
4 (4.23) |
|
|
|
Approximations de Ramanujan |
|
|
= |
3,14164 |
3 (4.32) |
|
3,14182 |
3 (3.63) |
|
3,141623 |
3 (4.51) |
|
3,14164 |
3 (4.32) |
|
3,14159265258 |
8 (8.99) |
|
3,14159265258 |
8 (8.99) |
|
3,14159265380 |
9 |
|
3,14159265358979432 |
14 |
|
3,14159265358979265 |
14 |
|
3,14159265358979312 |
15 |
|
3,1415926535897932384190 |
19 |
|
3,141592653589793238462642088 |
23 |
|
3,141592653589793238462643383279 |
30 |
|
|
|
Approximations de Castellanos
(1988) |
|
|
(2e3+e8)1/7 |
3,14171 |
3 (3.91) |
|
3,141529 |
4 (4.20) |
|
3,141575 |
4 (4.76) |
|
3,14159704 |
5 (5.36) |
|
3,141592452 |
6 (6.70) |
|
3,14159259259 |
6 (7.21) |
|
3,141592649 |
7 (8.41) |
|
3,141592654111 |
8 (9.28) |
|
3,14159265363 |
9 |
|
3,14159265358817 |
11 |
|
3,14159265359037 |
10 |
|
3,141592653589780419 |
13 |
|
|
|
Approximations de Plouffe |
|
|
437/23 |
3,1415398 |
4 (4.28) |
|
3,1415943 |
5 (5.77) |
|
3,14159267809 |
7 (7.61) |
|
3,14159259508 |
6 (7.23) |
|
3,14159265258 |
8 (8.99) |
|
3,14159265297 |
8 |
|
3,141592653492 |
9 |
|
3,1415926535949 |
10 |
|
3,141592653586778 |
11 |
|
3,1415926535912 |
10 |
|
3,141592653589793238462649201 |
23 |
|
3,1415926535897932384626433832797 |
30 |
|
|
|
Approximation de Stoschek |
|
|
|
3,141104 |
3 (3.31) |
|
|
|
Et quelques autres |
|
|
|
3,141592920 |
6 (6.57) |
= |
3,1415333 |
4 (4.23) |
103993/33102
(Euler) |
3,14159265301 |
9 |
A noter que Ramanujan (1913)
et Olds (1963) ont donné une justification géométrique de l'approximation
355/113.
Gardner (1966) s'est occupé de celle de . Dixon (1991) s'est quant à lui intéressé à
et =.
Curiosités
Toutes les formules précédentes sont en elles-même des bizarreries,
puisqu'il suffit de retourner la formule pour qu'une expression incluant Pi donne
presque un entier ou une fraction rationnelle ou irrationnelle.
L'exemple le plus fameux est celui des expressions de Roy Williams en avec n entier naturel :
Pour certaines valeurs de n (notamment parmi les nombres de Heegner 1,2,3,7,11,19,43,67 et
163),
on trouve presque un entier :
n |
Valeur de
|
|
|
25 |
6635623,999341134233266067 |
37 |
199148647,999978046551856766 |
43 |
884736743,999777466034906661 |
58 |
24591257751,999999822213241469 |
67 |
147197952743,999998662454224506 |
74 |
545518122089,999174985664301733 |
148 |
39660184000219160,000966674358575246 |
163 |
262537412640768743,999999999999250072 |
232 |
604729957825300084759,999992171526856431 |
268 |
21667237292024856735768,000292038842412959 |
522 |
14871070263238043663567627879007,999848772648279480 |
652 |
68925893036109279891085639286943768,000000000163738644 |
719 |
3842614373539548891490294377805829192,999987249566012187 |
En 1975,
nous raconte le Fascinant Nombre Pi, Martin Gardner avait utilisé
le cas n=163
pour faire un poisson d'avril en avançant que était un entier, ce qui, à l'époque,
n'était pas facile à contredire ! En fait, ce cas particulier extraordinaire
proviendrait du fait que le corps de nombres algébriques engendré
par 1631/2 possède une propriété de factorisation unique, les nombres
de Heegner ayant des qualités arithmétiques particulières.
Précisons :
Ramanujan, (forcément
!) avait remarqué que est
un entier à 10-12 près
ce qui est vraiment étonnant. Son raisonnement par la théorie
des fonctions modulaires ne fut percé que plusieurs dizaines d'années
plus tard.
Il repose sur la même
fonction j que celle présentée
sur la page des Borwein, où l'on
prend tout d'abord (t complexe). Cette fonction est modulaire,
c'est à dire qu'elle est définie sur le demi-plan complexe supérieur,
qu'elle admet une limite en , qu'elle
est méromorphe et surtout invariante par la transformation (a, b, c, d entiers).
On définit maintenant
une relation d'équivalence sur les formes quadratiques a.x2+b.xy+c.y2 avec a, b, c dans Z et premiers entre
eux (a>0 également).
Leur discriminant d=b2-4ac<0
est donné.
On définit la
relation ~ par a.x2+b.xy+c.y2
~ a'.x2+b'.xy+c'.y2 si on peut passer d'une
forme à l'autre par la transformation :
Cette relation d'équivalence
conserve le discriminant d. Le nombre
de classes d'équivalences est noté h(d)
et un célèbre théorème dû à Heegner
(52), Baker et Stark (66) affirme que :
Ces entiers sont appelés
nombres de Heegner.
En outre, Weber a montré que :
On obtient donc que .
D'autre part, en tant
que fonction méromorphe, j admet
un développement de Laurent en q
qui donne :
Avec la valeur précédente , on obtient :
n
entier, ce qui achève la démonstration.
L'approche algébrique
montre que les entiers de Heegner sont très importants. Les corps quadratiques
imaginaires engendrés comme possèdent des propriétés de factorisation fascinantes.
Par exemple, son nombre de classe est 1
ce qui est équivalent au fait que la décomposition en facteurs
premiers est unique dans ce corps.
Une autre curiosité est le nombre :
Moins de 1
millième d'erreur avec 20 pour un nombre aussi simple, voilà qui est
étonnant, n'est-ce pas ?
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