Pour les fondus d'analyse !!!
Par où commencer ? Bon, occupons-nous de l'égalité contenant les nombres
de Bernoulli, la formule 1). Plusieurs démonstrations sont possibles,
plus ou moins complexes... Celle présentée ci-dessous a le mérite
d'être rapide (tout est relatif !) et repose sur la première définition
des nombres de Bernoulli. Elle montre par ailleurs en complétant
la démonstration suivante de la formule 2) l'équivalence des deux définitions
des nombres de Bernoulli...
Puis juste après, la "démonstration"
(hum!) originelle d'Euler pour la somme des inverses des carrés ! Si la rigueur
n'est pas vraiment au rendez-vous, quelle imagination et quelle astuce !
Mais cela, c'est pour après la véritable preuve...
1) On ne pourra en effet jamais dire assez
merci à Monsieur Fourier, sa théorie va nous être encore bien utile...
Considérant les polynomes de Bernoulli B2n(t), prenons
la fonction f2n pour n entier, de période 1, et qui est égale à B2n sur [0,1[. f2n est évidemment C
1 par morceaux car restriction
de polynomes à un intervalle de R. Elle vérifie donc le théorème de Dirichlet
pour les fonctions T-périodiques et on peut l'écrire sous forme d'une série
de Fourier.
1.1 Premier petit résultat intermédiaire
:
1.2 Calculons
maintenant les coefficients de Fourier. Pour ne pas s'embêter inutilement, montrons tout
d'abord par récurrence sur n que B2n est paire par rapport à x=1/2...
B0=1 par calcul immédiat donc pas de problèmes au rang 1...
Supposons pour un certain n entier que B2n(x+1/2)=B2n(1/2-x)
Soit g2n+2(x)=B2n+2(x+1/2)-B2n+2(1/2-x). C'est un polynôme donc g2n+2 est C2 sur R.
d'après
l'hypothèse de récurrence...
donc g'2n+2 est constante... or, g'2n+2(0)=(2n+2)B2n+1(0)-(2n+2)B2n+1(0)=0 donc g'2n+2=0 donc g2n+2 est constante or g2n+2(0)=0 donc finalement, B2n+2 est bien symétrique par rapport à x=1/2, c'est
l'hypothèse au rang suivant donc la proposition est valable pour tout n entier et
sur [0,1], f2n est symétrique par rapport à x=1/2.
Donc on a le coefficient de Fourier associé bk(f2n)=
1.3 Calculons
d'autre part pour n entier non nul
ak(B2n)=
= d'après
1.1 puis par récurrence descendante immédiate...
Jusque là, tout va bien ! Le reste n'est pas beaucoup plus compliqué...
Il nous reste en effet à calculer ak(B2).
1.4 On
pourra vérifier (puisqu'il y a unicité) que B2=X2-X+1/6 est bien le polynôme de Bernoulli qui convient aux définitions.
Par simple puis double intégration par partie, on a et . Et bien sûr, , donc, finalement,
ak(B2)= .
1.5 On
a donc trouvé d'après 1.3 et 1.4
ak(B2n)=
1.6 Le développement
de B2n en série de Fourier nous donne alors pour
t
dans [0,1[
:
et donc
en particulier pour t=0, on a :
où Ber2n=B2n(0)
et voilà !!!
Au vu de l'importance du résultat, cette démonstration est monstrueusement
rapide par rapport à d'autres !!! Et en bidouillant un peu, on obtient également
deux expressions bien utiles :
et
Plus généralement, on appelle sommes
de Reynolds l'expression :
Donc, pour p=2n pair, on a la somme du dessus,
et pour p impair, on a :
Ces nombres font intervenir les polynômes d'Euler dont je n'ai malheureusement
pas trouvé la définition. Il suffit d'appliquer la méthode précédente
aux polynômes d'Euler pour trouver le résultat.
Sinon, avec les premières valeurs des nombres de Bernoulli et la première
formule, on obtient :
entre autres...
1) bis... Voilà donc la preuve originelle,
d'Euler lui-même, de la somme des inverses des carrés... La convergence
avait été démontrée par Jacques Bernoulli et Leibniz s'y était cassé
les dents... voyons ce qu'Euler a fait. Il a trouvé la limite, mais les justifications
sont un peu douteuses, vous verrez !
Se basant sur la théorie des équations algébriques, Euler savait que
la somme des inverses des racines de anxn+an-1xn-1+...+a1x+1=0 vaut -a1. Considérant alors le développement de il sait grâce à la périodicité de sinus que le membre de droite s'annule pour x=2,42,92,162...
Euler se dit alors que la propriété qui est vraie pour un polynôme
fini doit l'être pour un polynôme infini et il en déduit soit . Très fort !
2) Bon, revenons à des choses un peu plus
sérieuses (mathématiquement !)... La démonstration de la formule générale
du 2) (abrégée, n'abusons pas du calcul, et de plus, je me sens un peu
fatigué !) se trouve sur la page de Fourier. Une application z=1/2 donne
:
.
Mais il y a plus fort ! Dans on développe en échangeant les sommes
(z inférieur à 1 et absolue convergence des sommes)
En posant t=2iz
et en calculant cotan au moyen de son expression en exponentielles complexes (cos/sin), on
obtient
=
d'après la 2ème définition des nombres de Bernoulli. Ah ah !
Par identification des termes deux à deux (ce sont deux séries entières),
on peut alors conclure
!!!
C'est effectivement le bon résultat montré
en 1) et c'est aussi la méthode originelle qu'avait utilisé Euler. Voilà, 2 preuves pour le prix d'une ! Cela implique aussi l'équivalence des définitions
des nombres de Bernoulli (ceux d'indice impair sont en effet nuls...)
3) Ouf, petite pause...
Bien, passons maintenant à la formule 3... Là
encore, une astuce monstrueuse d'Euler intervient... Celui-ci utilise en effet un
développement très inhabituel, mais ô combien efficace, d'arctan à savoir :
Arctan(t)=
pour t positif... Euler l'a utilisé avec une formule d'arctan =20Arctan(1/7)+8Arctan(3/79)
pour calculer 20 décimales de Pi en une heure (essayez donc !). Il est vrai que si on pose
t=1/7, =0,02 ! Pratique...
Habile, Euler l'était certainement...
Voyons en effet sa démonstration :
3.1 Posons x=, t positif et x dans [0,1[.
On a t=. Posons maintenant
y=Arctan(t)=Arctan
3.2 Essayons de simplifier l'écriture...
Si z=Arctan, on
obtient ce qui donne sin2z=x et donc
y=Arcsin.
Mais on n'y voit toujours pas très clair...
Continuons donc...
3.3 On
dérive cette expression par rapport à x et on obtient :
2y'(x-x2)+y(1-2x)=1
3.4 Cherchons y
sous la forme y=.
Inséré dans l'équation différentielle, nos yeux exorbités
découvrent a0+x(3a1-2a0)+=1+0.x+0.x2+... ce qui, par identification, nous donne a0=1, 3a1-2a0=0 donc a1=2/3,
et
(2n+1)an-2nan-1=0
donc :
par récurrence immédiate sur n entier (calcul
hyper classique !).
Réciproquement, on vérifie que y= convient comme solution de l'équation différentielle
(à ne pas oublier, mais ne comptez pas sur moi pour le faire !).
3.5 Le reste est trivial commme disent certains...
D'après la définition de y, on en conclut pour t réel positif :
Arctan(t)=
Mais que peut on faire de cela ? Plein de choses
! Tout d'abord appliquer la formule d'Euler décrite au début de cette section...
Puis poser t=1 et obtenir la formule 3)... ou t=1/2, ou 1/4, ou utiliser les formules d'Arctan... tout est possible ! Comme d'habitude, plus t est petit,
plus la convergence est rapide, car le terme en t dans la somme est de plus en plus petit...
Moi, j'aime bien t=,
car on obtient avec Arctan(t)=/6
:
ce qui est très proche de la formule de Schroeppel-Gosper ! Chouette non ?
4) Bon,
encore une démo... Au risque de paraître quelqu'un qui abrège de plus
en plus au fil des démonstrations, je ne peux que donner les pistes de la démonstration
de la formule 4)... D'après "Le fascinant nombre Pi" (voir Biblio) :
Soit a>1.
Pour p nombre premier, pa>1 donc par développement limité :
Si l'on écrit ces égalités pour
tout nombre premier et que l'on fait leur produit, on obtient à gauche :
et à droite alors ? On obtient le produit
des membres de droite, c'est à dire de sommes infinies. Si l'on élimine
tous les produits infinis qui vont se former (des produits infinis de termes en 1/pka
donnent 0 ne serait-ce que parce que 0<1/pka<1/2), il reste la somme de tous les termes de la forme , où p,q,r... sont
des nombres premiers et k, i, j... des entiers... Cela ne vous rappelle rien ? Un certain
théorème d'arithmétique qui dit que tout entier n est décomposable
sous la forme pkq ir
j... c'est à dire comme
produit de nombres premiers chacun à une certaine puissance... Comme tous les
nombres premiers et leurs puissances sont présents ici, on en déduit que
cette somme infinie vaut :
Et pour a pair, on a alors d'après la formule
1) :
Ce qui est bien la formule 4), si l'on isole Pi !
Ces deux fabuleuses égalités trouvées par Euler seront réutilisées
dans la page consacrée à Césaro. Une des conséquences importantes de ce résultat
est que pour a=1, la somme des inverses diverge, donc le produit (membre de gauche)
vaut l'infini, donc il existe une infinité de nombres premiers... Pas mal, non
? Voilà que Pi fait une entrée fracassante dans le monde de l'arithmétique
!!!