Transcendance de e :
Soit f(x) un polynôme de degré m à coefficients réels. Posons :
On intègre m fois par parties et on obtient alors :
(1)
Maintenant, soit f* le polynôme f
où les coefficents ont été
remplacés par leur valeur absolue.
En majorant les termes dans l'intégrale, on obtient :
(2)
Ces préliminaires étant écrites,
recentrons le débat et supposons e algébrique. En d'autres termes, supposons qu'il existe
un entier n>0 et q1,...,qn non nuls tel que :
q0+q1e+...+qnen=0(3)
La suite consiste à construire J=q0I(0)+q1I(1)+...+qnI(n)
I(t) ne change pas de définition et l'on choisit f(x)=xp-1(x-1) p...(x-n) p avec p un grand entier premier.
En calculant J d'après la définition (1) et l'hypothèse (3), on tire :
où m est donc le degré du polynôme f soit (n+1)p-1=m.
Les k
variant entre 1 et n étant des racines d'ordre p chacune, on a f(j)(k)=0 si j<p et k>0 et de même pour k=0 si j<p-1. Donc pour j#p-1 et k#0, soit c'est nul, soit la dérivation fait sortir un p!
et donc f (j)(k) est un entier divisible par p!. De plus, pour le cas j=p-1, par récurrence sur n, on a facilement :
f (p-1)(0)=(p-1)!(-1)np(n!)
p
Donc si l'on a p>n, c'est à dire p ne divisant pas (n!), f(p-1)(0) est un entier divisible par (p-1)! mais pas par (p!).
Si l'on prend alors p>q0
, J
est un entier non nul qui est divisible par (p-1)! donc, évidemment, J(p-1)!
Voilà une première inégalité. Le tout est maintenant de trouver
une contradiction.
Pour cela, puisque k-n(2n) et m=(n+1)p-1, en majorant dans f*, on obtient f*(k)(2n)m et donc si l'on utilise (2) et la définition de J,
Jq1ef*(1)+...+qnnenf*(n)c p
puisque p>n, c étant une constante indépendante de p. Si l'on
choisit p suffisamment grand, la factorielle l'emportant sur la puissance, les deux inégalités
sur J se contredisent.
Et voilà le théorème démontré.
Evidemment, on a un peu l'impression que cela marcherait pour n'importe quelle constante,
mais en fait, c'est (1) et (2) qui décident de tout !
Transcendance de
Toujours par l'absurde, supposons maintenant que est algébrique et donc =i également.
Soit d le degré du polynôme dont est la solution. Comme C est algébriquement
clos, ce polynôme admet d racines et notons 1=,
2,...,d toutes ces racines.
Considérons ensuite le polynôme minimal de , c'est à dire le plus petit
polynôme (non décomposable en facteurs) dont est racine et dont les coefficients
sont premiers entre eux, notons L son coefficient dominant, c'est-à-dire celui du terme
de plus haut degré.
Sachant, comme ce bon vieux Euler l'a montré, que exp(i)+1=0, on peut donc écrire :
(1+exp(i1))(1+exp(i2))...(1+exp(id))=0
Si l'on développe cette dernière expression,
on obtient la somme de 2d termes ex, où x est un ensemble de valeurs :
x=a11+a22+...+addai=0 ou 1
Supposons que n de ces valeurs x sont non nulles et notons les ß1,...,ßn.
La somme des 2d termes s'écrit donc :
q+exp(ß1)+...+exp(ßn)=0(4)
avec q=2d-n.
De même que pour e, le principe va être maintenant de trouver deux inégalités
contradictoires pour J=I(ß1)+...+I(ßn), mais avec cette fois-ci f(x)=Lnpxp-1(x-ß1)p...(x-ßn)
p, p désignant toujours un grand nombre premier.
En utilisant (1) et (4) dans la définition de J, on obtient :
avec toujours m=(n+1)p-1.
Si l'on regarde de plus près la somme avec k en indice, on voit que, toutes les racines jouant le même
rôle dans f(x), cette somme est un polynôme symétrique en Lß1,...,Lßn, c'est à dire qu'il est invariant par permutation
de ces nombres.
Or le théorème d'algèbre sur les polynômes symétriques nous
dit que ce genre de polynôme peut s'écrire sous la forme d'un polynôme
des coefficients de l'équation dont Lß1,...,Lßn sont les racines. Donc ce polynôme des coefficients
est un entier, donc la somme sur k également.
Puis le même raisonnement que pour e s'applique. On a f
(j)(ßk)=0 lorsque
j<p,
donc cette somme entière est de plus divisible par p!. En calculant à partir de l'expression de f, on remarque
que c'est aussi le cas pour le rationnel f
(j)(0) si j#p-1. Si j=p-1, on a
:
f (p-1)(0)=(p-1)!(-L)np(ß1...ßn)
p
qui est divisible par (p-1)! mais pas par p! pour un p assez grand.
Et donc pour p>q, on a J(p-1)!
Mais là encore, la relation (2) nous donne la majoration :
Jß1exp(ß1) f*(ß1)+...+ßnexp(ßn) f*(ßn)c p
avec c constante indépendante de p.
Mais, Oh! les deux inégalités sont incompatibles pour un p choisi assez grand,
donc i
est transcendant, donc est transcendant !
On ne voit pas vraiment ce qui s'est passé, mais le résultat est là !
Les démonstrations originales d'Hermite et Lindemann sont disponibles dans le Petit Archimède , mais c'est encore plus long et compliqué, en fait,
ça ne ressemble même pas follement à ce que l'on vient de faire...