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Boris Gourévitch
L'univers de Pi - V2.57
modif. 13/04/2013

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Carl-Louis-Ferdinand von Lindemann
(1852 - 1939)



Alors ça, c'est fort...

est transcendant !!!

Tranches de vie

Carl Louis Ferdinand Lindemann est né le 12 avril 1852 à Hanovre. De 1870 à 1873, ce grand voyageur a effectué des études à Göttingen, Erlangen, Munich, Londres et Paris. Puis il enseigna à Wurzbourg (1877), Fribourg (1877-1883), Königsberg (1883-1893) et enfin Munich.
En 1882, Lindemann publie Die Zahl Pi qui met fin au problème de la quadrature du cercle et 25 siècles d'interrogations !
Mais Lindemann a aussi porté ses premiers efforts vers la géométrie et après son grand succès sur Pi, il se tournera vers le grand théorème de Fermat tout le reste de sa vie, sans trouver de solution...

Autour de - Quelques mots sur la transcendance

On rappelle qu'un nombre complexe (donc a fortiori réel) est dit algébrique s'il est racine d'un polynôme non nul à coefficients entiers et qu'il est dit transcendant dans le cas contraire.
i est algébrique par exemple (enfin ça servira plus tard...) car i est racine du polynôme x4-1=0.
Ce n'est qu'en 1844 que l'existence de nombres transcendants fut démontrée par Liouville.
En 1874, la grand Georges Cantor prouva grâce à sa passion pour la théorie des ensembles, que la plupart des nombres réels sont transcendants, ou plutôt que l'ensemble des algébriques réels est dénombrable (donc de la taille de N !)
La transcendance de Pi est un résultat moins profond que l'on ne pourrait le penser dans la mesure où cela ne donne pas de renseignement pratique vraiment intéressant sur les décimales de Pi. De plus, comme l'a montré Cantor, l'ensemble des transcendant étant beaucoup plus grand que celui des algébriques, Pi, comme tout nombre tiré au hasard d'ailleurs, avait des chances de se trouver parmi ceux-là ! Mais comme la découverte de Lindemann mettait fin à un des problèmes les plus vieux du monde mathématique, à savoir la quadrature du cercle...
En effet, tracer un carré (ou rectangle d'ailleurs !) de même aire qu'un cercle avec la règle et le compas conduisait à construire un segment de longueur Pi avec ces mêmes instruments. Or je-ne-sais-plus-qui avait montré que seules les additions, multiplications, racines, quotients pouvaient être construits à l'aide de la règle et du compas. Ce qui était équivalent à ce que Pi soit racine de n'importe quel polynôme à coefficients entiers.
Ce beau rêve (trop beau !) s'évanouit avec Lindemann. Sa démonstration s'inspira très fortement de la méthode avec laquelle Hermite avait prouvé la transcendance de e en 1873. Celui-ci avait estimé, après son exploit, que la méthode devait s'appliquer à Pi mais de façon plus compliquée et qu'il n'avait pas le courage de s'y pencher...
Ce n'est pas le cas pour nous puisque les démonstrations de la transcendance de e puis celle de Pi épurée par Weierstrass, Hilbert, Hurwitz et Gordan suivent ce paragraphe. Elles sont tirées de Transcendental Number Theory de A. Baker et de le Fascinant Nombre Pi de J.P. Delahaye (voir Biblio)
A noter que si vous arrivez à montrer que e+ est rationnel ou transcendant, vous aurez gagné le gros lot puisque le problème est toujours ouvert !

Démonstration

Transcendance de e :

Soit f(x) un polynôme de degré m à coefficients réels. Posons :

On intègre m fois par parties et on obtient alors :

(1)

Maintenant, soit f* le polynôme f où les coefficents ont été remplacés par leur valeur absolue.
En majorant les termes dans l'intégrale, on obtient :

(2)

Ces préliminaires étant écrites, recentrons le débat et supposons e algébrique. En d'autres termes, supposons qu'il existe un entier n>0 et q1,...,qn non nuls tel que :

q0+q1e+...+qnen=0(3)

La suite consiste à construire J=q0I(0)+q1I(1)+...+qnI(n)
I(t) ne change pas de définition et l'on choisit f(x)=xp-1(x-1) p...(x-n) p avec p un grand entier premier.
En calculant J d'après la définition (1) et l'hypothèse (3), on tire :

m est donc le degré du polynôme f soit (n+1)p-1=m.
Les k variant entre 1 et n étant des racines d'ordre p chacune, on a f(j)(k)=0 si j<p et k>0 et de même pour k=0 si j<p-1. Donc pour j#p-1 et k#0, soit c'est nul, soit la dérivation fait sortir un p! et donc f (j)(k) est un entier divisible par p!. De plus, pour le cas j=p-1, par récurrence sur n, on a facilement :

f (p-1)(0)=(p-1)!(-1)np(n!) p

Donc si l'on a p>n, c'est à dire p ne divisant pas (n!), f(p-1)(0) est un entier divisible par (p-1)! mais pas par (p!).
Si l'on prend alors p>q0 , J est un entier non nul qui est divisible par (p-1)! donc, évidemment, J(p-1)!
Voilà une première inégalité. Le tout est maintenant de trouver une contradiction.
Pour cela, puisque k-n(2n) et m=(n+1)p-1, en majorant dans f*, on obtient f*(k)(2n)m et donc si l'on utilise (2) et la définition de J,

Jq1ef*(1)+...+qnnenf*(n)c p

puisque p>n, c étant une constante indépendante de p. Si l'on choisit p suffisamment grand, la factorielle l'emportant sur la puissance, les deux inégalités sur J se contredisent.
Et voilà le théorème démontré.
Evidemment, on a un peu l'impression que cela marcherait pour n'importe quelle constante, mais en fait, c'est (1) et (2) qui décident de tout !

Transcendance de

Toujours par l'absurde, supposons maintenant que est algébrique et donc =i également.
Soit d le degré du polynôme dont est la solution. Comme C est algébriquement clos, ce polynôme admet d racines et notons 1=, 2,...,d toutes ces racines.
Considérons ensuite le polynôme minimal de , c'est à dire le plus petit polynôme (non décomposable en facteurs) dont est racine et dont les coefficients sont premiers entre eux, notons L son coefficient dominant, c'est-à-dire celui du terme de plus haut degré.
Sachant, comme ce bon vieux Euler l'a montré, que exp(i)+1=0, on peut donc écrire :

(1+exp(i1))(1+exp(i2))...(1+exp(id))=0

Si l'on développe cette dernière expression, on obtient la somme de 2d termes ex, où x est un ensemble de valeurs :

x=a11+a22+...+addai=0 ou 1

Supposons que n de ces valeurs x sont non nulles et notons les ß1,...,ßn.
La somme des 2d termes s'écrit donc :

q+exp(ß1)+...+exp(ßn)=0(4)

avec q=2d-n.
De même que pour e, le principe va être maintenant de trouver deux inégalités contradictoires pour J=I(ß1)+...+I(ßn), mais avec cette fois-ci f(x)=Lnpxp-1(x-ß1)p...(x-ßn) p, p désignant toujours un grand nombre premier.
En utilisant (1) et (4) dans la définition de J, on obtient :

avec toujours m=(n+1)p-1.
Si l'on regarde de plus près la somme avec k en indice, on voit que, toutes les racines jouant le même rôle dans f(x), cette somme est un polynôme symétrique en 1,...,Lßn, c'est à dire qu'il est invariant par permutation de ces nombres.
Or le théorème d'algèbre sur les polynômes symétriques nous dit que ce genre de polynôme peut s'écrire sous la forme d'un polynôme des coefficients de l'équation dont 1,...,Lßn sont les racines. Donc ce polynôme des coefficients est un entier, donc la somme sur k également.
Puis le même raisonnement que pour e s'applique. On a f (j)k)=0 lorsque j<p, donc cette somme entière est de plus divisible par p!. En calculant à partir de l'expression de f, on remarque que c'est aussi le cas pour le rationnel f (j)(0) si j#p-1. Si j=p-1, on a :

f (p-1)(0)=(p-1)!(-L)np1...ßn) p

qui est divisible par (p-1)! mais pas par p! pour un p assez grand.
Et donc pour p>q, on a J(p-1)!
Mais là encore, la relation (2) nous donne la majoration :

Jß1exp(ß1) f*(ß1)+...+ßnexp(ßn) f*(ßn)c p

avec c constante indépendante de p.
Mais, Oh! les deux inégalités sont incompatibles pour un p choisi assez grand, donc i est transcendant, donc est transcendant !

On ne voit pas vraiment ce qui s'est passé, mais le résultat est là !

Les démonstrations originales d'Hermite et Lindemann sont disponibles dans le Petit Archimède , mais c'est encore plus long et compliqué, en fait, ça ne ressemble même pas follement à ce que l'on vient de faire...



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