Takebe Katahiro
(1664 - 1739)
Un bel algorithme
Tranches de vie
Ce nom n'évoque sans doute rien à la
plupart des gens car Takebe Katahiro fut un mathématicien japonais, ce qui est
assez peu commun, surtout à cette époque. En effet, né en 1664 d'une
famille de samouraï, la mutation d'un Japon encore féodal ne peut qu'encourager
Takebe à compléter une formation de samouraï devenue très incomplète...
Il assimile rapidement l'enseignement de Seki Takakazu (?
- 1708), le plus brillant mathématicien
du Japon !
Les mathématiques de ce pays ne connaissent pas la science occidentale. Utilisant
des batonnets en place des chiffres et sans trigonométrie (!), Seki et son disciple
vont construire une nouvelle science au Japon, développant l'algèbre et
l'analyse. Takebe meurt en 1739.
Autour de :
Takebe s'intéresse à Pi, et en calcule même 41 décimales à l'aide de la méthode d'Archimède et un polygone à
1024 côtés, ce qui est un exploit vu le système numérique utilisé !
Cela n'empêche pas Takebe de nous proposer par ailleurs une formule vraiment
très intéressante, puisque notre ami japonais est le premier à avoir
réussi à exprimer le carré de l'arc d'un cercle sous la forme d'une
somme infinie dans son Classique de Tetsujutsu (1722) .
Les démonstrations n'étant pas encore de rigueur (malheureusement !), il
nous est parvenu seulement la méthode numérique qu'il a utilisée pour
arriver à sa formule...
On en tire facilement un algorithme en notations modernes puis une somme qui a des
performances intéressantes. N'ayant pu dénicher nulle part de démonstration,
j'ai cherché moi-même et en ai trouvé une pas trop difficile, mais
suis toujours à la recherche d'une méthode plus élégante !
Démo
Posons f(u)= et Un=. On a :
donc d'après
le critère de D'Alembert, la série converge pour u<1. (En passant,
avec la formule de Moivre/Stirling, on montre facilement que la série n'est pas convergente
pour u=1)
La fonction étant paire, elle est donc définie sur ]-1,1[.
Nous allons chercher l'expression exacte de f par un processus classique mais que l'on pourrait qualifier
de "bourrin, typique prépa" !
Cherchons en effet l'équation différentielle que vérifie f !
On a :
donc calculons pour u[0,1[
:
donc y=f(u) vérifie :
On intègre entre 0 entre x]0,1[
:
or, y'(0)=0
(u=0 dans la série entière de limite f'(u)) donc on intègre encore :
Posons enfin pour r>1 : U0=4. On a :
ce qui achève la démonstration ! Il va sans dire que les deux formes de Un se déduisent facilement l'une de l'autre par récurrence immédiate
(tellement immédiate d'ailleurs que je ne l'écris même pas !)
Essais
Non seulement la formule est assez belle mais ses
performances sont loin d'être ridicules ! Il faut dire que la convergence linéaire
est assez évidente d'après la forme du rapport
= dans notre cas ici. Cela veut
dire en effet qu'avec n assez grand, la suite Un se comporte presque comme une suite géométrique
de raison .
L'équivalence de Moivre/Stirling nous donne d'ailleurs :
donc la convergence est un petit peu plus rapide que la convergence linéaire...
Théoriquement, on peut même construire grâce aux différentes
valeurs de r des suites convergeant presque linéairement aussi vite que l'on
veut !
Vérifions tout cela par des petits essais (pour r=2) :
n=1 |
3,055050 |
n=5 |
3,1399
(1) |
n=10 |
3,141568
(4) |
n=20 |
3,141592643
(7) |
n=50 |
17 décimales
justes |
n=100 |
33 décimales
justes |
n=200 |
64 décimales
justes |
ce qui donne une convergence d'environ n
/ 3, pas trop mal...
Maintenant pour r=3 :
n=5 |
3,14157
(4) |
n=10 |
3,141592644
(7) |
n=50 |
33 décimales
justes |
n=100 |
63 décimales
justes |
Convergence d'environ 2n/3
Et ensuite pour r=6 :
n=5 |
3,141592646
(7) |
n=10 |
13 décimales
justes |
n=50 |
61 décimales
justes |
Convergence 1.2n ?
Enfin, pour s'amuser un peu, r=12
n=5 |
11 décimales
justes |
n=10 |
20 décimales
justes |
n=50 |
92 décimales
justes |
On flirte avec la convergence 2n, mais il est assez étonnant que la convergence ait
l'air de s'essoufler alors qu'elle devrait être un peu meilleure que la convergence
linéaire...
On remarquera que pour r=2 ou r=3, on obtient une série de rationnels qui ne demandent
qu'une extraction de racine à la fin, intéressant !
Accélération de la convergence
Comme d'habitude avec les convergence linéaires
(c'est-à-dire que les suites ressemblent de plus en plus à une suite géométrique),
le Delta2
d'Aitken devrait être terriblement efficace. Mais c'est en fait un peu
décevant...
Pour r=2
:
|
Sans Aitken |
Avec Aitken |
n=2 |
3,112
(1) |
3,132 (1) |
n=5 |
3,1399
(1) |
3,141428
(3) |
n=10 |
3,141568
(4) |
3,14159179
(5) |
n=20 |
3,141592643
(7) |
3,141592653479
(9) |
n=50 |
17 décimales
justes |
19 décimales
justes |
n=100 |
33 décimales
justes |
35 décimales
justes |
n=200 |
64 décimales
justes |
66 décimales
justes |
inutile de pousser la démonstration plus loin, le Delta2 ajoute 2 décimales au résultat, ce qui n'est guère
concluant !
Pour r=6
n=5 |
3,141592646
(7) |
3,14159265325
(9) |
n=10 |
13 décimales
justes |
15 décimales
exactes |
n=50 |
61 décimales
justes |
65 décimales
exactes |
A peine mieux, même si 4 décimales supplémentaires pour n=50, cela commence à devenir un peu plus intéressant.. Je ne peux malheureusement pousser
les calculs plus loin pour l'instant...
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