Grégory et David Chudnovsky
Formules importantes
Tranches de vie
Les frères Chudnovsky ont une histoire personnelle
complètement extraordinaire ! Puisse cette trop courte page et quelques autres
rendre hommage à ces grands passionnés de Pi...
Ils sont Ukrainiens, vivent depuis 1977 à New York près de l'université de Columbia
et...
Mais commençons par le commencement, sinon, comment pourrait-on appréhender
cet extraordinaire parcours qu'est le leur ?
David, le grand frère de Grégory, a découvert les mathématiques
assez jeune à Kiev en dévorant un livre Qu'est ce que les mathématiques
? par R. Courant et H. Robbins. Ce bouquin était très populaire malgré
son illégalité dans la Russie et la Chine d'alors...
David décida après cette lecture de devenir un mathématicien et son
cadet emboîta le pas rapidement. Grégory se mit très vite à publier
dès 16
ans dans Soviet mathematics (Quelques résultats en théorie des expressions
infiniment longues), encouragé par son frère qui sentait son génie.
Et pour cause, il résolut à 17 ans (1970) le dixième problème de Hilbert en prouvant l'indécidabilité
des équations diophantiennes, et ce juste un peu après Matyasevitch, un
autre jeune mathématicien qui reconnut néanmoins que la méthode de
Grégory était meilleure que la sienne !
Les deux frères firent leurs études à l'université d'état
de Kiev et passèrent leur thèse à l'académie des sciences d'Ukraine.
Dès le milieu des années 70, ils se mirent à publier ensemble. Mais il y avait
tout de même un gros problème... Grégory est en effet atteint d'une
maladie assez rare de dégénerescence des muscles qui l'oblige à rester
couché la plupart du temps et à passer quelques fréquents séjours
à l'hopital... Sa santé est donc très fragile...
C'est pourquoi en 1976, les parents de Grégory, Volf et Malke, demandèrent aux
autorités de les laisser émigrer pour le soigner. Mal leur en prit puisque
le KGB commença à les harceler, Volf perdit son travail, et David et Malka
furent attaqués par la suite...
Edwin Hewitt, un mathématicien de l'université de Seattle collabora avec
Grégory en 1976 et, en apprenant les problèmes de sa famille, persuada un sénateur
influent de faire pression sur les Soviétiques. Une délégation parlementaire
française rendit visite secrètement aux Chudnovsky, et deux mois plus tard,
fin 77,
le gouvernement russe céda et laissa la famille partir. David épousa une
des femmes de la délégation (fort jolie paraît-il...) et avec sa famille,
émigra vers la France, puis aux Etats-Unis. Les Chudnovsky s'installèrent
à New York, près de l'université de Columbia.
Seulement, Grégory ne put accepter de poste à cause de son infirmité
et David ne voulut pas travailler sans son frère... Résultat, les deux
frères n'ont pas de poste réel et sont simplement membres (senior research)
de l'université. Ils sont donc un peu isolés, David ayant par ailleurs
un mauvais caractère paraît-il... La communauté mathématique
américaine est fort embêtée avec ces deux frères qui n'ont pas
de place précise, avec toutes les conséquences financières que l'on
peut imaginer...
Les Chudnovsky travaillent donc de leur côté, et ce n'est pas du temps
perdu. Car David est un très bon mathématicien et Grégory (46 ans) est
considéré tout simplement comme un des meilleurs, ayant reçu nombre
de distinctions honorifiques et maîtrisant toutes les branches des mathématiques,
comme il y a un siècle un certain... Hilbert !
Voyez la comparaison !
Et de plus, ces deux garçons travaillent sur la théorie des nombres, leur
spécialité, mais outre cela, sur Pi, ce qui rajoute encore de l'intérêt
à celui que n'importe quel étudiant en maths pourrait déja porter
à ces deux figures des mathématiques.
Les Chudnovsky vivent dans un petit appartement où s'entassent papiers et ordinateurs
dans un désordre incroyable... Ils ont d'ailleurs construit eux mêmes plusieurs
"supercomputers" dont le mythique m-zéro, bénéficiant d'une
architecture personnelle qui lui confère une puissance supérieure à
certains Cray. C'est avec lui qu'ils ont calculé des milliards de décimales
de Pi (un bon moyen de le tester !) et ils ne peuvent l'éteindre, sinon il ne redémarrerait
pas tant son architecture est complexe et certains composants parfois fragiles !
Il contenait, en 1993, 16 microprocesseurs en parallèle.
L'appartement des Chudnovsky est ainsi chauffé aux microprocesseurs, atteignant
en été une chaleur insupportable !
Notons pour finir que les Chudnovsky n'ont pas de site personnel et qu'il n'est donc
pas facile d'obtenir des informations. Néanmoins, on trouvera un article fort
complet et très long (anglophobes s'abstenir) sur les Chudnovsky à la page
suivante (hébergée par Simon Plouffe):
http://www.lacim.uqam.ca/plouffe/Chudnovsky.html
Autour de Pi
Leur besoin de calculer des décimales de Pi est lié à leur conviction qu'il existe une certaine
organisation dans ces décimales. Car Pi est parfaitement déterminé. Et comme l'on ne
sait à peu près rien des propriétés des nombres transcendants...
L'on n'a même pas prouvé que Pi était normal, c'est à dire que chaque chiffre
apparaît une fois sur dix, chaque couple une fois sur cent, etc... Mais comme
avec les 1079 atomes qu'il y a dans l'univers représentant l'ensemble
des ressources théoriquement exploitables, on ne pourra jamais calculer plus
de 1077 décimales de Pi, il y a intérêt à ce que notre constante
favorite montre quelques signes avant cette ultime limite ! Sinon, "ce serait
terrifiant !" comme le dit Grégory...
La formule du haut de la page est une série du type Ramanujan, donc à convergence
linéaire, mais ne comportant dans la somme que des rationnels, ce qui améliore
la rapidité des calculs. Ajoutons que les deux frères programment soigneusement
leurs algorithmes et on explique par là le fait que le champion Kanada et ses
gros moyens se soit trouvé dépassé en 1989 et 1994 par les Chudnovsky avec leur simple superordinateur dans
la course aux décimales! (voir historique des records)
Bien sûr, comme pour Ramanujan et Borwein, je n'ai pas la démonstration exacte de cette formule,
donc reportez vous à ces deux sites pour les explications sur ce type de somme
et leur loi de formation générale.
Essais
Bon, tout cela ne va pas nous empêcher de
l'essayer !
A priori, si l'on applique l'équivalent de Stirling au terme de la somme, on
obtient :
soit en passant au -log pour obtenir le nombre de décimales par itération
:
(6log(6)-3log(3*6403320))*n=14,18n
Pas mal !
Mais vérifions tout cela (attention, l'équivalence de Stirling est asymptotique,
on peut ne pas trouver 14 décimales par itération pour n faible) :
Evidemment, mon calculateur est un peu minable, mais dans quelques mois, il y aura
mieux, c'est promis...
n=0 |
13 décimales
exactes |
n=1 |
27 décimales
exactes |
n=2 |
41 décimales
justes |
n=3 |
55 décimales
justes |
n=4 |
69 décimales
justes |
n=5 |
84 décimales
exactes |
n=6 |
98 décimales
justes ! |
Eh bien, une telle linéarité est assez remarquable.
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